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Posts Tagged ‘douleur’

Je ne vais pas te raconter des histoires qui finissent bien et que tu connais déjà trop, je préfère que tu le fasses à ma place, moi je sais encore croire. Emmurée à même ma convalescence pour cause d’apesanteur capricieuse, je hante à cloche pied, gaiement, ces couloirs muets d’avoir suffisamment hurlé où la mort devient le seul ami à qui tu dis la vérité vraisemblable.

Un matin, par accident –  un de ces accidents dont on crédite à tord le destin – tu m’as tendu la main que tu avais oubliée, comme ça sans rien dire, sans rien faire, depuis ce lit qui a poussé sur ton dos et qui ne veut décidément pas te quitter. Je suis rentrée dans ta tête remplie de bobines, en sautant à pieds joints entre ton delirium tremens et ma dépression raisonnable.

Peu importe où ta folie ordinaire me fait sombrer – de fantaisies militaires en voyages héroïques – je veux la fin de ton mensonge parfait bien plus que la suite de ma vie prévisible. Tu parles si bien de vengeance avec l’Amour perdu à jamais pour excuse pardonnable, alors j’ai pris part à cette guerre sans ennemi valable qui n’est pas la mienne, ni celle de personne d’ailleurs.

La guerre, elle a l’habitude de construire des morts à la chaîne et d’abonner des prisonniers à la perpétuité. Toi, tu es le tien en parlant la langue du chagrin comme une aventure heureuse qui ne peut être comprise qu’une fois vécue. Mais une fois la nuit tombée plus bas que terre, le sommeil ne te trouve pas, trop occupé que tu es à combattre ton tourment sur mesure, sans jamais vouloir réellement le toucher de peur qu’il n’existe plus.

Moi, mes nuits – sans Morphée, ni morphine – étaient habitées par ces héros impossibles et accrochés désespérément à tes lèvres, celles qui me rappellent que les rêves demeurent tout ce qu’il nous reste de nos âmes au réveil soudain. Parfois, nos songes endormis jalonnent nos maux originaux et nos maladies imaginaires de fenêtres de tir pour mieux partir au loin, là où la médecine moderne ne pourra pas nous rattraper. Je ne connais pas la souffrance, j’ai juste mal, mais ça passera. Et toi, comment ça va ?

L’Amour, je te dirai qu’on ne le perd jamais, on l’abandonne pour de plus ou moins bonnes raisons parce qu’oublier pour toujours, c’est toujours mieux que de se rappeler de temps à autre que l’on est vivant. Toi tu en parles si facilement sans le connaitre dans une langue étrangère, derrière un masque, au-dessus de tout le monde.

Tu confonds souvent « être bien entouré » et « vivre dans des remparts », mais la vengeance qui t’a donné des compagnons d’infortune, elle les reprendra lorsque la douleur sera plus forte qu’elle ou quand tu ne sentiras plus rien. Certes je déforme la réalité moi, mais je ne la trahis jamais comme toi.

Je joue la comédie, tu fais ton cinéma, tu me vends et je restaure un monde qui n’est qu’un prétexte à notre vie commune, je suis ce petit rien qui te leste ici-bas dans le camp de vacances de l’au-delà entre course de chaises roulantes et concours de perfusions. Tu sais, toi, un jour quand je serai grande – grande comme ça ! – moi aussi j’aurai un dentier comme ceux qui ont plein de plis sur le visage et je pourrai arrêter de cligner des yeux pour voir le monde comme il est apparemment, le monde de « tu verras quand tu seras grande ».

J’aimerais me dire que je resterai un souvenir qui offre des fossettes immobiles dans ton monde où les images défilent une par une, mais ne restent pas. Je continue notre spectacle – mais cette fois c’est moi qui suis sur le lit – à deux voix et quatre mains avec ces liens qui ne tiennent à rien pour écrire mon manque, tu sais celui de plus tard, ton absence en forme d’ombre et de flashback, orpheline de ce temps cherché, d’une enfance enterrée dans l’espoir de la faire pousser.

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Apparemment, tout le monde doit trouver sa place ou être à la sienne, même moi. Je baissais donc la tête – plus par habitude que par lâcheté –  pour être sûre que l’on ne m’en alloue pas une, par erreur en connaissance de cause, par hasard en toute bonne foi, par certitude pour mon bien. Allez donc savoir ce que je suis, vous, cachés derrière vos masques trop transparents. Connaître qui je suis, c’est ça le drame commun, l’anonymat nous préserve tous de l’attachement !

Mais lui, hum, lui, l’ombre dans ma rétine, hum, lui, je l’avais dans la peau comme il faut l’avoir, je l’avais dans mon cœur en éponge, prêt à accepter n’importe quelle offrande pourvu qu’elle comble quelques instants ce vide sans nom propre. Une première fois, c’est toujours une première fois, ça ne ressemble à rien, à rien de comparable, à rien de mémorable. Ça te ressemble en y repensant.

Ce rien, je le voyais maintenir en captivité ces deux faiseurs d’enfants – pieds et poings liés, toujours pratiquants, mais jamais croyants – qui réclamaient la reconnaissance de leur autorité dans chacune de leurs respirations : à table une fourchette à la main, à Noël les cadeaux sous le sapin, dans le salon la télécommande à la main, à la nuit tombée un toit sur la tête. Leur peine à purger dépendait uniquement de mon frère et moi, je ne sais pas comment leur faire payer ou les exhausser !

En attendant ce jour bénit, j’aperçois – sans réellement pouvoir ou vouloir l’attraper – le temps se traîner lentement de toutes ses conjugaisons et j’admets à ce moment-là malgré moi, que je suis au point mort. Mais depuis quand ? À vrai dire, lorsque j’ai saisi que j’étais la fin de la chaîne alimentaire et le début d’un engrais idéal, j’ai cessé de donner un sens gratuitement à tout, à tout le monde.

Il en va de même pour mon mal-être et mes états d’âme – me servant autant d’alibi que de mobile – prévisibles et dispensables. Que pourront-ils ses signes extérieurs de détresse face aux regrets omniprésents et à cette culpabilité sous-jacente dont les fantômes ont le secret ? Pas grand chose, hein ! Hé merde, j’aurai dû être malheureuse au lieu d’avoir l’amour automatique…

L’amour, cela se cherche désespérément et certains ne le verront qu’à travers les autres, n’est-ce pas ? Celui que l’on a sous la main ne suffit jamais vraiment, il nous appartient déjà, il fait partie du passé au risque de l’oublier. Où est-il lui, maintenant qu’il me manque, lui l’anodin, le familier ? Celui qui n’attendait rien, vraiment rien et c’était ça son problème, mon problème, puisqu’il faut en avoir.

Je suis partie plus à la poursuite qu’à la recherche de ce fragment de moi qui fait que ne le suis plus. En chemin, à chaque nouveau visage, je perdais la mémoire des gens, des choses, des années au fur et à mesure que mon imagination négociait un shoot de bonheur à cette douleur totale et sans fin.

Je ne veux à aucun prix qu’elle ne s’arrête, elle est ma croix, mon poids à moi seule, ma part de purgatoire sur Terre que nul ne pourra m’enlever ni comprendre. Je ne sombrerai jamais en sa compagnie, jour et nuit, années après années, elle finira par te remplacer et je pourrai toujours et encore te courir après pour ne jamais te retrouver.

Ne pas savoir, c’est mieux que tout connaître. Quand on vit de réponses, c’est que l’on est déjà plus là, que l’on n’attend plus rien de personne. Donc, dans le doute pour ne pas comprendre à coup sûr cette absence en moi, je ne me retournerai jamais sur mes pas, par peur légitime de me voir disparaître de ton amour.

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J’ai eu la vie que je pouvais. J’ai un spectacle à la place du cœur, alors jouez jusqu’à disparaître de ma mélancolie.

Je ne suis qu’un homme complexe avec un plan simple, une ligne de vie définie que je refuse du bout des doigts, sans te retenir vraiment, lorsque tu claques la porte pour ton propre échappatoire, ailleurs, sans plus personne à blâmer, à connaître, à décevoir.

J’attends d’avoir l’avis des autres pour me dire que seul le mien compte, perdu que je suis entre la postérité périssable et une psychanalyse non remboursée, la vacuité du moment présent et l’impossibilité de l’infini. Je cours, je coule à ma perte, lentement, doucement, en emmenant tous ceux que j’aime dans ma chute, mais assez loin de moi pour qu’ils me manquent.

Je ne vis qu’au travers de femmes, à croire que j’aurai voulu en être une. L’une me voit comme une maladie imaginaire qu’elle a partagée un jour, l’autre comme une pièce manquante qu’elle rangerait dans son livre des petites choses, les dernières comme le père qu’elles n’auront jamais eu, excepté dans le flou parfait de leur enfance. Moi, je préfère me souvenir d’elles toutes, telles des fantômes, plutôt que de les quitter.

Le sursis permanent est un meilleur moteur que le bonheur fugace, toutes les absences, les abandons, les falsifications d’identités dans mes albums de famille décomposés suffisent à donner un sens à ma folie ordinaire, celle du temps qui s’épuise de nous, toujours et encore, quand l’automne est déjà là.

J’ai besoin de me sentir seul pour pleurer devant vous, me sentir aimé dans tes bras trop grands que je ne comprends pas, me faire pardonner ces erreurs qui sont miennes mais que je t’attribue, oublier que ma prison n’a jamais eu de barreaux pour nous séparer. Seul, je me recueille à chaque enterrement, au milieu de ce vacarme – moderne et dépassé – respirant trop vite pour mon histoire qui nous ponctue puis se conclut.

À n’être plus personne, j’en deviens un meilleur personnage que j’articule méticuleusement au gré de mes déceptions récurrentes et des tiennes aussi. Lui, il est un moi en mieux, puis je mets en scène des accidents plus commodes qu’hasardeux pour ne plus avoir à regarder en face ou en arrière.

J’ai occulté vaillamment tant que je doutais, tant que je pouvais le fait qu’il y avait un dehors et un peut-être, trop muré que j’étais dans ma bulle, trop usé par des adieux que l’on me refuse, la médecine et Dieu n’ont pas leur place dans mon théâtre à l’échelle d’une vie.

Les noms des amours, les saisons anonymes, l’Histoire des manuels changent, mais pas moi, non. Ce qui est n’a plus d’importance au regard de ce que je pense sans le croire, ce que je souffre sans ressentir, ce que je cherche sans rien trouver.

Les jours de joie m’échappent inexorablement, les uns après les autres dans l’ordre du calendrier, je les ai gâché d’un mot, un seul, en priant mon nombril de les faire revenir au crépuscule de mon art, mais à leur retour, ils se meurent pour mieux me maintenir en vie, en stase.

Mon existence est un décor identique à mes souvenirs les plus valables où je peux à loisir répéter jusqu’à épuisement l’avant, l’hier, celui qui n’a plus de futur, celui là même que l’on a maintenant, mais qu’on ignore pour le moment, obnubilé par son prédécesseur.

Je me sens vide de vous et déserté par mes démons, les mémoires immortelles ont délaissé mon désir de survivre pour la prochaine inconnue, mon orgueil de petit homme parlant de solitude comme du temps qu’il fait, depuis j’entends une voix douce, calme, affectueuse qui pense à ma place, qui m’intime quoi dire, qui étrenner et quand mourir, enfin.

À lire en écoutant Jon Brion – Little Person

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