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Posts Tagged ‘coup de foudre’

Apparemment, tout le monde doit trouver sa place ou être à la sienne, même moi. Je baissais donc la tête – plus par habitude que par lâcheté –  pour être sûre que l’on ne m’en alloue pas une, par erreur en connaissance de cause, par hasard en toute bonne foi, par certitude pour mon bien. Allez donc savoir ce que je suis, vous, cachés derrière vos masques trop transparents. Connaître qui je suis, c’est ça le drame commun, l’anonymat nous préserve tous de l’attachement !

Mais lui, hum, lui, l’ombre dans ma rétine, hum, lui, je l’avais dans la peau comme il faut l’avoir, je l’avais dans mon cœur en éponge, prêt à accepter n’importe quelle offrande pourvu qu’elle comble quelques instants ce vide sans nom propre. Une première fois, c’est toujours une première fois, ça ne ressemble à rien, à rien de comparable, à rien de mémorable. Ça te ressemble en y repensant.

Ce rien, je le voyais maintenir en captivité ces deux faiseurs d’enfants – pieds et poings liés, toujours pratiquants, mais jamais croyants – qui réclamaient la reconnaissance de leur autorité dans chacune de leurs respirations : à table une fourchette à la main, à Noël les cadeaux sous le sapin, dans le salon la télécommande à la main, à la nuit tombée un toit sur la tête. Leur peine à purger dépendait uniquement de mon frère et moi, je ne sais pas comment leur faire payer ou les exhausser !

En attendant ce jour bénit, j’aperçois – sans réellement pouvoir ou vouloir l’attraper – le temps se traîner lentement de toutes ses conjugaisons et j’admets à ce moment-là malgré moi, que je suis au point mort. Mais depuis quand ? À vrai dire, lorsque j’ai saisi que j’étais la fin de la chaîne alimentaire et le début d’un engrais idéal, j’ai cessé de donner un sens gratuitement à tout, à tout le monde.

Il en va de même pour mon mal-être et mes états d’âme – me servant autant d’alibi que de mobile – prévisibles et dispensables. Que pourront-ils ses signes extérieurs de détresse face aux regrets omniprésents et à cette culpabilité sous-jacente dont les fantômes ont le secret ? Pas grand chose, hein ! Hé merde, j’aurai dû être malheureuse au lieu d’avoir l’amour automatique…

L’amour, cela se cherche désespérément et certains ne le verront qu’à travers les autres, n’est-ce pas ? Celui que l’on a sous la main ne suffit jamais vraiment, il nous appartient déjà, il fait partie du passé au risque de l’oublier. Où est-il lui, maintenant qu’il me manque, lui l’anodin, le familier ? Celui qui n’attendait rien, vraiment rien et c’était ça son problème, mon problème, puisqu’il faut en avoir.

Je suis partie plus à la poursuite qu’à la recherche de ce fragment de moi qui fait que ne le suis plus. En chemin, à chaque nouveau visage, je perdais la mémoire des gens, des choses, des années au fur et à mesure que mon imagination négociait un shoot de bonheur à cette douleur totale et sans fin.

Je ne veux à aucun prix qu’elle ne s’arrête, elle est ma croix, mon poids à moi seule, ma part de purgatoire sur Terre que nul ne pourra m’enlever ni comprendre. Je ne sombrerai jamais en sa compagnie, jour et nuit, années après années, elle finira par te remplacer et je pourrai toujours et encore te courir après pour ne jamais te retrouver.

Ne pas savoir, c’est mieux que tout connaître. Quand on vit de réponses, c’est que l’on est déjà plus là, que l’on n’attend plus rien de personne. Donc, dans le doute pour ne pas comprendre à coup sûr cette absence en moi, je ne me retournerai jamais sur mes pas, par peur légitime de me voir disparaître de ton amour.

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Thirst

Sur ton lit de mort tu as retrouvé cette vérité qui sort de la bouche avant l’âge de raison, avant l’ère du mensonge et maintenant tu essayes vainement de fuir en promettant à l’au-delà que le coma sera une meilleure prison.

Ne me demande rien sur ta destination, ressemblerais-je à une agence de voyage? Je ne peux que réciter la leçon de mon manuel de masochisme à l’usage des croyants, encore une fois.

Ferme les yeux, tremble sereinement, quitte-nous sans jamais partir, excuse-toi une dernière fois de tout ce que tu ne sais pas et choisis entre l’absolution et la rédemption.

Une fois le spectacle achevé, je retourne dans les coulisses pour le débriefing où mes collègues en nécrophilie parlent à coeur ouvert en aimant avec leurs regrets pour purger leur reste de conscience.

J’ai longuement hésité entre les patients et ma patience, il est donc temps.

Au sommet de mon art de psychotrope en soutane, je prends ma retraite dorée pour bons et loyaux services, je m’invente une mission divine et je confonds don de soi et suicide, à moins cela soit la même chose.

Résultat des courses, je me retrouve à la place des patients, un fiasco expérimental et une réorientation professionnelle, placebo le jour, poinçonneur la nuit.

Coincé entre mon job de starlette de bénitier et ma nouvelle passion pour la liqueur, je me répète sans trop d’espoir que je ne changerai jamais.

Moi qui buvais le sang du Christ en week-end, entre amis, j’ai perdu la foi, pas la soif.

Quelques gouttes suffisent, quelques doutes subsistent, mais les instincts ont eu raison de mes convictions.

Puis, au hasard de la détresse, après des nuits d’exode, je l’ai croisée, elle, qui donna pour toujours un sens à mon vice.

Tiraillé entre la première fois et le viol, l’amour à long terme et une passion suicidaire, je la dévore plus que je ne la désire, je la torture plus que je ne veux la détruire.

J’en veux pour preuve ces regards que je ne lui rends pas.

Ma première infraction sur sa peau laiteuse fut aussi violente que vitale. Revenu parmi les vivants entre ses cuisses, j’ai goûté aux péchés ainsi qu’au pardon en même temps. Sa bouche pleine de moi, son corps s’abandonnant sauvagement au rythme des gémissements confus, ses yeux à la dérive reprennent les affaires là où ils les avaient laissées, dans les miens.

Mais, elle n’était pas mienne, de la convoitise à l’adultère, j’étais condamné au meurtre, donc acte, pour enfin avoir droit à cette culpabilité menant à la monotonie à deux, cette douce agonie qui précède cet ennui dont on ne revient pas.

Une fois l’irrémédiable accompli, la morale refait surface comme pour mieux nous punir de ce que nous sommes devenus, alors moins tu m’aimes, plus tu les désires, autant je t’attends.

Notre maison nous sert de tombe de luxe, les visites y sont autorisées, mais plus personne ne parle vraiment en fixant ces photographies qui vieillissent sans nous !

Au moment précis où l’amour devient une habitude, il n’y a plus de plaisir, que des regrets individuels et des remords en commun, alors la violence domestique devient l’unique preuve à conviction de notre premier baiser.

Je t’ai tuée en te donnant ma maladie pour avoir quelques instants de vie près de toi, il ne me restait que le mépris ou le vol.

Depuis tu te venges de nous, en t’humiliant, en m’oubliant, en nous perdant, en offrant la mort à autrui avec ou sans son consentement, parce que ton visage a la douceur de l’innocence et que tu as le goût de l’interdit.

Et puisque ce qui n’a pas de fin n’a pas de sens, j’ai cherché la lumière pour nous deux, pas celle qui donne des réponses à la carte, celle qui vient sans prévenir, discrètement, en nous caressant, sans promesse d’un futur à conjuguer ou même d’un ailleurs à haïr.

Je préfère te garder une dernière fois contre moi, lentement, en silence, sans un mot de trop, plutôt que de te dire un de ces au revoirs qui n’engagent personne. Et en fermant les yeux sur le peu de rides de ton monde, le soleil s’est levé pour nous disparaître à jamais.

En perdition au milieu de tous dans une rue déserte, elle s’évade le temps d’une nuit pour retrouver une vie qu’elle n’a plus, mais elle reviendra comme à chaque insomnie.

Elle empruntera les sombres desseins de la ville, le monstre urbain au teint grisâtre, à l’haleine polluée, au destin jamais scellé et aux fêlures à l’âme. Il prend toujours plus qu’elle ne donne en faisant courir les Hommes derrière des titres, des chiffres ou un peu de bonheur en viager.

La géométrie des lieux négocie sa personnalité aux illuminés qui l’habitent entre deux journées de travail, entre le mutisme de l’heure du crime désinhibé de tout ordre et la prudence des alcooliques reconnus par les poubelles qui évitent poliment de trop les connaître.

À la croisée des chemins, aux détours d’une silhouette pressant le pas, on se suggère que les ombres fuyantes nous mèneront à une terre promise ou un cul de sac.

Quand je vois la vie depuis chez moi, tout me semble millimétré à la seconde près de la mécanique de la violence à la magie sentimentale, alors que nous ne sommes qu’une succession d’accidents dans un jeu de hasard appartenant à une boule qui tourne sur elle-même.

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