J’ai eu la vie que je pouvais. J’ai un spectacle à la place du cœur, alors jouez jusqu’à disparaître de ma mélancolie.
Je ne suis qu’un homme complexe avec un plan simple, une ligne de vie définie que je refuse du bout des doigts, sans te retenir vraiment, lorsque tu claques la porte pour ton propre échappatoire, ailleurs, sans plus personne à blâmer, à connaître, à décevoir.
J’attends d’avoir l’avis des autres pour me dire que seul le mien compte, perdu que je suis entre la postérité périssable et une psychanalyse non remboursée, la vacuité du moment présent et l’impossibilité de l’infini. Je cours, je coule à ma perte, lentement, doucement, en emmenant tous ceux que j’aime dans ma chute, mais assez loin de moi pour qu’ils me manquent.
Je ne vis qu’au travers de femmes, à croire que j’aurai voulu en être une. L’une me voit comme une maladie imaginaire qu’elle a partagée un jour, l’autre comme une pièce manquante qu’elle rangerait dans son livre des petites choses, les dernières comme le père qu’elles n’auront jamais eu, excepté dans le flou parfait de leur enfance. Moi, je préfère me souvenir d’elles toutes, telles des fantômes, plutôt que de les quitter.
Le sursis permanent est un meilleur moteur que le bonheur fugace, toutes les absences, les abandons, les falsifications d’identités dans mes albums de famille décomposés suffisent à donner un sens à ma folie ordinaire, celle du temps qui s’épuise de nous, toujours et encore, quand l’automne est déjà là.
J’ai besoin de me sentir seul pour pleurer devant vous, me sentir aimé dans tes bras trop grands que je ne comprends pas, me faire pardonner ces erreurs qui sont miennes mais que je t’attribue, oublier que ma prison n’a jamais eu de barreaux pour nous séparer. Seul, je me recueille à chaque enterrement, au milieu de ce vacarme – moderne et dépassé – respirant trop vite pour mon histoire qui nous ponctue puis se conclut.
À n’être plus personne, j’en deviens un meilleur personnage que j’articule méticuleusement au gré de mes déceptions récurrentes et des tiennes aussi. Lui, il est un moi en mieux, puis je mets en scène des accidents plus commodes qu’hasardeux pour ne plus avoir à regarder en face ou en arrière.
J’ai occulté vaillamment tant que je doutais, tant que je pouvais le fait qu’il y avait un dehors et un peut-être, trop muré que j’étais dans ma bulle, trop usé par des adieux que l’on me refuse, la médecine et Dieu n’ont pas leur place dans mon théâtre à l’échelle d’une vie.
Les noms des amours, les saisons anonymes, l’Histoire des manuels changent, mais pas moi, non. Ce qui est n’a plus d’importance au regard de ce que je pense sans le croire, ce que je souffre sans ressentir, ce que je cherche sans rien trouver.
Les jours de joie m’échappent inexorablement, les uns après les autres dans l’ordre du calendrier, je les ai gâché d’un mot, un seul, en priant mon nombril de les faire revenir au crépuscule de mon art, mais à leur retour, ils se meurent pour mieux me maintenir en vie, en stase.
Mon existence est un décor identique à mes souvenirs les plus valables où je peux à loisir répéter jusqu’à épuisement l’avant, l’hier, celui qui n’a plus de futur, celui là même que l’on a maintenant, mais qu’on ignore pour le moment, obnubilé par son prédécesseur.
Je me sens vide de vous et déserté par mes démons, les mémoires immortelles ont délaissé mon désir de survivre pour la prochaine inconnue, mon orgueil de petit homme parlant de solitude comme du temps qu’il fait, depuis j’entends une voix douce, calme, affectueuse qui pense à ma place, qui m’intime quoi dire, qui étrenner et quand mourir, enfin.
La révolution ne sera pas télévisée, certes, mais elle ne sera pas internet non plus.
Parfois, j’aimerais être un de ces rebelles de clavier transformant n’importe quel idéal en denrée périssable, ces mêmes mascottes épaulées par leur horde de courtisans croyants mais non pratiquants.
Je pourrais jouer au justicier cimenté aux sentiers battus et enfiler un de ces costumes de leader bon marché toujours trop grand, malheureusement je préfère les échecs personnels aux promesses universelles, question d’éducation.
Dieu soit loué ou acheté à crédit, les fidèles les plus fondamentalistes créent des complots de toute pièce pour alimenter en fantasmes la mythologie de la censure au pays de la transgression gratuite.
Ces faiseurs d’opinions et donneurs de leçon – n’y a-t-il pas là un conflit d’intérêt ? – balbutient plus qu’ils ne commanditent, fort heureusement leur auditoire d’agent neutre rêvant de devenir des agents dormants n’a rien d’autre à faire que de s’adonner à une petite séance d’exhibitionnisme sur n’importe quel réseau communautaire.
Dans l’ère de Narcisse, il est plus que facile de se construire des ennemis sur mesure tout en se soustrayant à la liste des accusés providentiels.
La résistance passive est perdue par l’offre du temps à perdre et les préceptes du petit militant de base illustré, les maquisards sont écartelés entre les menaces de morts imaginaires et les assassinats verbaux contre le pouvoir forcément en place et leurs vassaux fatalement de circonstance.
Comment appelle-t-on une ou des personnes qui prennent le pouvoir, politique, médiatique ou autre, sans consultation et au nom du plus grand nombre tout en l’intimidant, poliment, mais fermement si cela s’avère nécessaire ?
Lorsque l’on commence à parler, à penser à la place des gens, c’est souvent qu’ils sont assez loin des ambitions de ceux qui les invoquent.
La croisade a toujours été un marché porteur, l’effritement de l’audience globale du « message » permet la viabilité d’un nouveau modèle économique à l’échelle de un.
S’acharner sur un Homme à terre, seul ou en groupe, cela est devenu une marque de conviction, voire de courage, au regard des crimes prétendus et imputés à la future victime, selon l’empathie au menu du jour de la majorité.
Alors si penser comme le plus faible permet une justice compensatrice, la loi du plus fort est un préalable raisonnable à l’espérance la plus infime.
En opposant une utopie dorénavant terre à terre à des remèdes miracles mais non échangeables, le bureau des affaires sociales et internationales s’offre un avenir proportionnel au besoin de coupables.
Les nouveaux héros de la raison pour tous ne font pas dans la compréhension, car en cas de victoire aux jeux du cirque, que valent les explications ? Demandez aux lions !
Si ce peuple opprimé et bafoué a le droit de se divertir aux frais de l’Etat, pourquoi les défenseurs des causes en tout genre protestent contre la subvention d’un concert de l’idole des jeunes, de la majorité ?
L’opéra et les théâtres sont le pan de l’économie culturelle le plus pris en charge par les pouvoirs publics peut-être en vertu de l’Histoire, du patrimoine ou de l’exception culturelle mais certainement pas au nom du nombre.
Outre les écrans de fumée de projets socioculturels, la plupart des Français ne vont pas s’abreuver aux deux mamelles de l’orgueil officiel, non pas par mépris de la programmation ou par allégeance aux contre culture, mais tout simplement faute d’argent et surtout de temps.
Immoralité : Bon sens et bonne conscience, ne font parfois pas bon méninge…