-> À force de ne rien faire, le temps me rattrape ou il tourne en boucle. J’ai une trotteuse à la place du coeur et un centre d’inertie qui me colle au cul. Le monde voudrait que chacun bouge —dans le bon sens si possible— pour devenir quelqu’un, un de plus. Alors je proteste en faisant assidûment du surplace, histoire de ne rester personne, un de ces quelqu’un que l’on n’a pas à oublier.
Aïe, il est déjà midi et la matinée m’est passée dessus sans vergogne en emportant sur son chemin mes rêves de quart d’heure de gloire en 140 signes. La télévision est trop loin et je donne plus de crédit à la Française des Jeux qu’au Pôle Emploi pour tenter ma chance. Entre mon bureau et le salon, il y a le vide, le genre de néant que seule la livraison du dernier machin commandé sur Amazon pourrait surmonter. Hélas le facteur, c’est comme Dieu, beaucoup en parlent mais peu l’ont vu.
L’interphone tente une énième tentative de suicide, mais nul ne l’entend. Ni mon chat, ni moi. Nous deux, déjà à la fenêtre, la queue entre les jambes à regarder le monde mourir de vieillesse à toute vitesse pour des choses plus ou moins importantes, mais forcément urgentes. L’espace urbain est au bord de la crise de sauvagerie pour une banale histoire de signalisation à respecter, de priorité dans la vie, de piétons piétinés et de dose de caféine coupée à l’eau tiède.
Comme quoi, le bruit c’est la vie. Non, le bruit, c’est l’ennui ! Je prierais presque pour un acouphène, mais mon amour pour la musique m’en empêche et puis la bande originale du dehors reprend le dessus sur mon esprit. Au final je pourrais me jeter par la fenêtre pour repeindre comme il se doit la grise mine de la rue, mais je crois encore trop au double vitrage pour cela.
J’aurais voulu déjeuner en paix et me perdre définitivement dans une sieste, mais le Pôle Emploi me ramène à la raison, à sa passion plutôt. Me faire chier, par tous les moyens possible quitte à faire de l’absurde un projet de société sur mesure pour une impossible mission ! Trouver un emploi, ni plus, ni moins. Le genre de passe-temps avec une fiche de paie mensuelle, des congés à utiliser coûte que coûte et une retraite bien méritée à deux pas du corbillard. En un mot, la réussite.
Que dis-je, le rêve ! Qui ne serait pas prêt à mourir de fatigue pour un pareil suicide assisté ? Personne ! À la chaîne, à la queue, à la ronde, à l’unanimité l’humanité s’empale corps et âme dans la plus vieille escroquerie du monde, celle-ci n’ayant pas la dignité du plus vieux métier du monde d’ailleurs. Certains ont l’instruction nécessaire, d’autres l’expérience indispensable, mais tous —tôt ou tard — s’agenouilleront pour leur salut ou un troisième mois.
Le temps se joue de mes débuts d’ambition devant une page blanche qui pourrait faire le travail à ma place, pour une fois. Chronos, ma banquière, la mafia des poussettes… Personne ne m’empêchera de goûter comme il se doit ! De bouchées sucrées et onctueuses en gorgées acides et pulpeuses, je construis un pays entier aux commissures de mes lèvres, sans y prêter attention. Il ne me reste alors qu’à me ravaler la façade comme un bon cannibale d’appartement en attendant le dîner pour fermer la porte une fois pour toute sur cette journée morte en vain, pour rien. À force de ne rien faire, le temps me rattrape ou il tourne en boucle. ->
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