Je vous souhaite la bienvenue, ici, chez nous, chez vous, nous n’avons pas la culture d’entreprise, mais l’entreprise de la culture.
Meeting, happening, même combat !
Vous faites partie de la famille, abandonnez votre thérapeute, Dieu et votre amour propre, nous, nous vous aimons pour ce que vous êtes, ce que vous faites.
Je dois avoir la gueule de l’emploi et un petit quelque chose en plus de spécial ou alors, les fosses communes sont toutes équipées de machines à café.
Souriez, vous êtes officiellement mort, un CDI dans le portefeuille et une hypothèque de la maison du bonheur dans les promesses de fidélité.
Maintenant, les infarctus précèdent les calvities.
Caché dans une petite boîte trop parfaite pour être vraie, j’en construis d’autres pour vous tous, avec l’espoir que vous adoriez votre prison.
Je divertis le peuple en me faisant de l’argent : où est le mal ? Tant que l’on ne me transfère pas vers la hotline ou le service après vente.
Il y a des vices acceptables, voire rentables, alors les plus scolaires d’entre nous préfèrent les participations aux bénéfices de l’industrie des pixels à l’argent sale des paradis artificiels.
Le crime, c’est tout de même mieux depuis son salon ?
L’obésité ou l’overdose ? Tout est une question de promotion !
Je me log chaque matin naturellement d’un air supérieur entre l’automate et le pantomime, pendant que tu pointes la misère sociale sur ton bleu de travail, derrière une machine qui ne peut penser sans toi.
Parfois, je me dis que l’esclavage c’est comme la mode, à force de suivre le mouvement, on pense l’incarner.
Peu importe les coups de fouet, du moment que l’on peut les revendiquer le premier.
Des régiments d’individualistes, vivant leurs ambitions par pack de six bureaux, dans un open space respectant les règles d’hygiène, mais pas celle de l’intimité.
Nous avons tous les mêmes diplômes.
Mais forte heureusement, en phallocratie, les droits de la femme ne font pas les salaires de la femme.
Pour rester dans les annales de l’entreprise certains font des dépressions, les autres des enfants.
Je préfère mes névroses souvent imaginaires, parfois obsessionnelles, à la monotonie de cette folie remplissant mes déclarations d’imposition.
…
Tous pensent réfléchir différemment, mais ils agissent de la même manière, dans le même sens, vers le même but.
Mais moi, j’ai des projets, je suis ne pas comme les autres, je combats le système de l’intérieur, un jour vous verrez !
En attendant, je fais semblant, j’achète quelques machins, je possède quelques trucs, pas grand chose, toujours dans la limite de mon découvert, pour ne pas attirer les soupçons, je prends un crédit, je file droit.
Je crois en ce que je télécharge, en toute légalité.
Certains ont des croisades humanitaires ou pédophiles, les autres des croyances nécrophiles ou mythomanes, moi, j’ai juste un besoin d’exister, je ne suis pas pareil, je me suis mis au bricolage.
Les jours d’ennui, j’hésite entre faire un don ou une OPA.
Un petit décontractant après le travail, entre collègues ou seul, un remontant dans ma voiture chaque matin en voyant le bureau se rapprocher dangereusement, un petit coup de pouce une fois la porte des toilettes close.
Moi, depuis le troisième bureau sur la gauche, celui avec le portrait de famille décomposée et ma figurine Green Lanterne achetée durant mon temps d’inertie sur E-Bay entre la première pause cigarette et le dernier mail groupé glorifiant un con et sa webcam, moi, je sauve le monde, demandez à mes euphorisants remboursés mais génériques, je combats l’horloge du lundi 08H00 au vendredi 17H00.
Je veux me faire un nom en perdant mon identité, dites bonjour à l’absurde banalité.
N’oubliez pas de mettre votre nom au feutre sur votre badge, prenez une viennoiserie et attendez la première vague de licenciement économique, en silence, gêné, comme à votre arrivée dans l’ascenseur.