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« Je joue à l’animal domestique le jour, mais une fois le crépuscule en phase terminale, je deviens une bête de foire dans la cour des miracles »

Un bon Canut, c’est un Canut mort. Je tourne tellement le dos à la Croix-Rousse qu’elle a fini par disparaître, enfin jusqu’à ma prochaine obligation scénique. Que ne ferait-on pasdepuis un bout de planche pour satisfaire les besoins de voyeurisme du public et le syndrome pavlovien des applaudissements ? Pfff… les dites planches s’obstinent à pousser sur les tombes des Canuts.

Mais à minuit passé à la lisière de la place des Terreaux, il n’y a que les professionnels des coups et blessures et les amateurs d’adrénaline pour se donner en spectacle devant les charognards en Air Max. La vie nocturne en centre ville est un écosystème parfait où le vol à la tire cohabite avec les taxes indirectes imprimées à même l’addition. Pour sûr, la base de la luxure est la misère. Et pendant que les uns tanguent jusqu’à en effleurer le bitume, les autres enracinés dans l’ombre attendent une ouverture. Lyon dans toute son obscurité, ses artères festoient abondamment car c’est le standing qu’elle nous impose. Mais attention, dès que la dernière prostituée du terroir s’éclipse entre les premiers bus et la danse des rippers, il faut réendosser le costume terne et ordinaire de la vie en soldes et à crédit.

Au milieu de tout ça, dans la confusion la plus totale avec le reste de mon équipage ivre, je m’auto-interromps intérieurement :

«- Bla, bla, bla !

– Quoi encore ? Tu veux une camisole de force pour notre anniversaire ou tu désires le règlement de tes prestations de voix-off en cachets d’intermittent ?

– Non, cher moi, je demande de l’aventure collective, des péripéties inavouables et peut-être même un peu de sang sur un visage anonyme ou en plaisir menstruel sur un préservatif usagé…

– Haaaaaa !! Hardcore, sérieusement, tu as un vrai problème toi, la vie de punk dans la peau d’un terroriste supposé avec une afro, ce n’est pas assez pour toi ?

– J’avoue, je suis déjà las et depuis le 11 septembre tous les noirs ont arrêté d’être des arabes. Le prestige de la série limitée est terminé, gentil petit nègre au jean trop large ! Donne moi quelque chose de neuf, d’excitant, d’exaltant, de bandant ! Sinon tu connais la sanction, la folie tapera à ta porte avant que l’amour véritable homologué par les fleuristes ne soit venu te prendre pour le dernier des cons.

– Tu sais quoi, hum, si je survis ici avec eux jusqu’à mes 30 ans, je mangerai des légumes et des fruits, des tas, des tonnes, des gros, des petits, des parfumés, des gluants, des farandoles, le tout à une table et avec des couverts !

– Franchement tu te nourris de kebabs sauce curry sans salade ni oignons en intraveineuse depuis dix ans et si on t’ouvrait le bide on pourrait y organiser un open bar, alors je tiens le pari!

– J’ai bien dit si je survis.

– Allez, je te laisse à notre soirée, on se reverra devant la cuvette des toilettes demain ! Bisous.

– Je. Ne. Suis. Pas. Un. Homme. À. Bisous.»

Hum, le gay de service qui parle de son album qu’il parachèvera demain, toujours et encore pour faire son coming out, la liane à la voix rauque tout juste échappée de sa maison de disque, Casper le Stéphanois refaisant les dialogues d’une journée particulière d’Ettore Scola pour lui seul et enfin, le Juif programmant un groupe d’antisémites pour un festival subventionné me regardent d’un air médusé et inquiet parce qu’apparemment, cela fait plus de cinq minutes que je parle seul. Bref, passons, pour moi les vrais fous sont ceux qui chantent sous la douche.

Alors que les alcooliques célèbres rejoignent chacun leur vomitorium de prédilection, ma glotte se balance et hésite encore entre une biture traditionnelle et un bad trip new school. Après une fin de non recevoir à la porte du « Cochon sauvage » et « Du bec de Jazz », il nous faut revoir nos ambitions à la baisse, vraiment très bas. Et de ruelles surpeuplées en culs-de-sac pour coupe-gorge, nous atterrissons finalement au troquet que voulions éviter « Le… machin vert » —qui n’a de vert que le fromage dans les plats servis aux musiciens de passage. Enfin, j’ai du mal à me rappeler le nom exact. Par contre la patronne, un vrai poème de magazine gratuit jonchant les salons de coiffure et aimable comme un balai à chiottes avec ça! Un véritable petit amour de femme punching ball.

Cela fait trois bonnes minutes que nous sommes assis et je ne sais quel parti prendre entre l’appel de la vessie et celui de la noyade par fermentation. Mais avant que je ne songe à m’uriner dessus, la détestable tenancière fait une famélique apparition en nous lançant nonchalamment des cartes toutes collantes et son mépris affiché pour la clientèle.

Je suis sûr que vous voyez le genre de carte dont je parle, le truc illisible à la mode où les noms de cocktails peuvent figurer haut la main dans le Kamasutra ou sur l’en-tête d’un flyer pour une free party. Peu importe, moi, je veux de la bière rien de compliqué, de la bière à la bière, de la pisse de chat de base. J’ai bien trop bu pour reconnaître le goût de tel ou tel alcool.

Et attendant que le dit alcool finisse par sortir par un trou ou par un autre, j’enchaîne tout ce que mes comparses me transmettent un brin amusés. Le jeu en vaut la chandelle : remplir la bête jusqu’à ce qu’elle soit au point de rupture. Jouez, jouez, ce n’est pas moi qui y perdrai mon découvert !

Alertée par nos bruits et nos cris incessants, la patronne comprend enfin que c’est mon anniversaire. Et dans un élan de générosité commerçant, elle décide donc de m’offrir, de nous offrir…une blague. Elle s’assoit en bout de table en accaparant l’espace et l’oxygène avant de partir dans sa narration qui débute en pleine Seconde Guerre Mondiale et se termine dans un camp de concentration. Finalement en se retirant de la table face à notre silence, la tenancière conclut par un laconique : « Mes grands-parents sont morts dans les camps, donc je peux en faire des blagues, moi j’en ai le droit ».

Comment dire, au delà de la consternation œcuménique et hérétique qui est la nôtre, jamais l’expression tête à claques n’a pris autant de sens. Profitant de ce grand moment de solitude où elle retourne se cacher derrière son comptoir de misère, mes acolytes règlent l’addition alors que je redécore les toilettes hommes et femmes, de haut en bas, poignées incluses. Ah, l’appel de la vessie et l’amour pour l’art nouveau ! Ce soir aucune envie d’un au revoir hypocrite à l’aune du comptoir, un petit regard de travers collectif et nous désertons le mobilier façon Soho du pauvre et la bande-son trop lounge pour être honnête.

De retour à la case départ, dehors, pour conclure cet anniversaire. Nous marchons à vue à la recherche de n’importe quelle lumière et d’un bout de banquette. L’heure n’est plus à l’équilibre et au porté de coup. En descendant la rue de la République en direction de Bellecour, je partage quelques bières tièdes perdues au fond de mon sac à dos, à côté de l’ultime 1,5 L de Whisky Coca artisanal. Le jeu doit continuer mais le reste de la bande passe gentiment son tour pour me laisser engloutir la dite mixture.

Blurp ! La gorgée de trop, le pas de trop, l’aérophagie de trop. Dans un saut désespéré je réussis à atteindre un banc public avant de pondre une toile de maître contre la chaussée qui ne demandait pas une telle dédicace. L’œuvre en question récapitule toutes mes dérives alimentaires du jour en passant d’un rayon à un autre de mon épicerie favorite. Matraqué par le flash de la liane à la voix rauque tout juste échappée de sa maison de disque, les autres légifèrent sur l’instant et l’endroit précis où ma gouache à touché le sol afin de trouver un gagnant et un riche héritier.

Hé merde, j’en ai plein la semelle ! Cela fera un souvenir à l’inconscient qui m’accueillera cette nuit sur son canapé. Après quelques minutes je reprends la marche forcée et la bande me suit à distance de flash. Soudain le sol se dérobe à nouveau sous mes pieds et de banc en banc j’accouche d’une nouvelle pièce maîtresse immortalisée en numérique, comme il se doit.

Mais à force de jouer au Petit Poucet, je retrouve ma vision horizontale et, malheureusement, le sens du goût. Heurk! Gagné, j’ai de belles éclaboussures de mes entrailles sur mon seul jean ne donnant pas directement sur la partie la plus intime de mon anatomie et je ne parle pas de ma veste fétiche, ma seconde peau, qui a fait les frais des cruels rebonds proposés par la rigole lors de ma dernière offrande. Je fais dans le lavement home made !

Pendant que je cligne des yeux pour ventiler en vain mon cortex, j’aperçois la joyeuse et noble escouade qui a loué des Vélo’v pour s’amuser à traverser le plus rapidement possible le bassin d’eau près du carrousel sans y déposer un pied sous peine d’y être balancé. Qu’est-ce qu’on est pas prêts à inventer lorsque l’on a tout ce qui doit nous combler? L’idiotie est le signal d’alarme de l’ennui.

Devant ce spectacle aqua-pédalesque, je bave sans m’en rendre compte, réfugié sur mon banc d’infortune d’où j’effraye des membres de la contre-culture représentée par des freaks tatoués, percés, scarifiés —avec accord parental— mais qui n’osent croiser mon regard de chapelier fou. Ce soir j’ai l’alcool hilare, mais le problème ce que je ne suis pas quelqu’un de drôle…

Bye bye delirium tremens, ramené sur Terre par la peau du cul, il me faut me repentir jusqu’à la fin de ma vie ou sombrer définitivement dans le ridicule. À boire, j’ai soif, à boire. Mais à quatre heures du matin, ma session de body painting ayant assez duré, je réveille mes vieux démons tandis que la ville dort plus qu’elle n’assume ses bas instincts. Les pressions se cachent pour mourir et les alcooliques notoires ont déjà regagné leur bar de fortune dans leur salon HLM, entre la télécommande et la manette de la Playstation. Décidément, les bonnes mœurs et les grenouilles de bénitier égarées dans la nuit prient pour que je m’en tire à bon compte en s’affolant autour de ma dépouille. Puisque je ne peux être sauvé autant me saborder une bonne fois pour toutes et pour cette apothéose il me faut une taverne digne de ce nom!

Les hétéros rechignant à s’occuper de mon cas, les homos pourvoiront à mes besoins en sponsorisant mon suicide goutte après goutte. Le gay de service qui parle de son album qu’il parachèvera demain, toujours et encore, pour faire son coming out nous ramène alors dans un rade dont il a secret. Et au moins là-bas, on ne regarde pas la gueule ou le costume du client, tous égaux devant le croupion !

Toc, toc, toc, nous sommes accueillis par le patron, ventripotent, gueulard et rougeaud, un brin taquin, il demande quel est le but de notre visite à cette heure tardive. Sachant que son peignoir rose —à moins que ce soit le filtre vitreux sur mes yeux— laisse apparaître son auguste pénis en forme de tire-bouchon, il y a peu place à l’équivoque.

Et l’alcool se met à couler à flot, le stroboscope marche au ralenti, les plumes succèdent aux paillettes et nous chantons tous à tue-tête sur un tube d’Adamo bras dessus bras dessous ! Quitte à tomber comme un seul homme.

Après un petit pas de danse sur les Pet Shop Boys, j’ai dû faire une sieste plus ou moins longue sur le trône à jouer avec la mort. Toujours est-il qu’à la sortie du bar nous avons nos verres pleins à la main, des tentures dorées autour de nos têtes et des paillettes à ne plus savoir qu’en faire. Bref l’art de la fête et un souvenir digne de ce nom! Mais sans m’en rendre compte, le temps de tourner la tête, et certains sont déjà rentrés chez eux, je ne sais pas, je ne sais plus lesquels. Nos tentures flashy en guise de cape nous prenons le chemin du retour avec le gay et la liane. De perte d’orientation en chemin de transhumance nous arrivons à un lit trop grand pour nous trois et en essayant bêtement de philosopher devant le télé-achat, je m’écrase comme le World Trade Center. Et là, plus rien. Plus d’image, plus de souvenir, quelques bribes de voix et le bruit du flash. Quel anniversaire, cela fait des mois que je n’ai pas dormi dans un lit, hum, le paradis. Ne croyez pas en Dieu, mais dans la literie !

Le matin de ma vingt-cinquième année arrive plus vite que la nuit ne part et au moment de collecter mes petits bouts de mémoire, il ne reste rien, des bruits de verre, des courbatures inconnues, une extinction de voix et des éclats de rire. Rien vous dis-je, un parc Croix-Roussien, des bars épicuriens, un long périple puis une lumière blanche. Je reprends mes esprits, la tête dans le trône et le cul vers le ciel. Du mortier plein la bouche et les yeux grenadine, je tente de trouver des raisons à mes interrogations. Non, pas cette fois. Et puis, je me retourne dignement en demandant aux rescapés de la fine équipe s’il n’y a pas une bière qui traîne et peut-être même un bout de pizza froide…

 

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Inside my nombril (5) : 31/08/2005 – Part 2 : Orgie conviviale

Inside my nombril (5) : 31/08/2005 – Part 1 : Les Préliminaires

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À 15 ans si j’avais su que le Punk se trompait et qu’un autre futur était possible, j’aurais jalousement préservé ces tickets de bus, feuilles volantes et autres carnets à spirales, petits et grands carreaux. No Future. Je ne pouvais décemment pas avoir un cahier bien sous tout rapport, avec sa protection et mon état civil. L’écriture, d’aussi loin que je m’en souvienne, est liée chez moi à la transformation et la disparition.

En somme, prendre quelque chose pour en faire autre chose, mais sans espoir de retour. Poser des mots fuyant de mon esprit était un acte irrévocable, je ne les retrouverai plus dans l’état où je les avais connus. Par conséquence, à une psyché cauchemardesque ne pouvait résulter que du papier défiguré, déstructuré, troué et noir. Puisque ces bouts de papier parlaient mieux que moi, il fallait qu’ils me ressemblent comme l’encre maculant mes mains et les poches de mon jean.

À l’époque je passais mes journées, mes nuits et mon sommeil à improviser – entre l’absurde et la psychanalyse – dans ma chambre à partager, sous la douche souvent froide, dans la rue outrée, à la place du mort enivré et même au fond du bus les pieds sur le siège, dans la plus grande illégalité. En prenant racine dans les transports en commun, j’ai été plus honnête avec mon prochain que je ne pourrai l’être aujourd’hui. Des phrases sans verbes inventés, des slogans remodelés, des épitaphes proférées, des onomatopées éructées, des expériences phonétiques, tout était bon dans la diction muette ou vociférée. Tout dépendait du volume de mon walkman.

Et parfois, par hasard, lorsqu’une succession de mots retenait plus qu’une autre l’attention de mes contemporains, amusés ou excédés, je cherchais entre les sièges le ticket sacré où j’inscrirai ce moment unique échappant déjà à ma mémoire. Fallait-il encore que je puisse me relire. Enfin quand par miracle, c’était le cas, je ne savais que faire de tous ces mots anonymes, ces flashs collectifs, ces histoires déjà vécues, ce temps volé.

Pour tout dire, j’allais le plus souvent possible en ZEP les mains dans les poches, mais avec un stylo bille. Et oui pourquoi s’encombrer d’un cartable puisqu’aucun des devoirs exigés la veille n’avait été exécuté ? Pour ma défense je prévenais toujours l’autorité en présence de mes futures intentions, quelques fois même en laissant un ticket de bus. À chacun sa signature.

Expulsé manu militari en début de cours, je fouillais ainsi dans mes poches afin d’y quérir ces fragments de mémoire, ces instantanés autonomes, ces pièces de mon histoire que je considérais à tort comme une affaire résolue. Pour moi le temps était juste un mauvais moment à passer et la vie ressemblait à la Toussaint. Alors, avoir une Histoire et bâtir un avenir cela n’avait rien à voir avec du papier et un stylo, personnellement je n’avais rien à raconter, je voulais simplement ne pas crever sans rien laisser. Et c’est donc en heures de colle que j’ai réalisé tout cela. Dans ce moment suspendu entre usine et discipline, je devais écrire ce que l’on m’avait ordonné sans compter qu’on me faisait perdre du papier et de l’encre. Et aussi, mais cela je n’osais le penser, on me faisait perdre du temps. Il me fallait l’écrire dorénavant. Sur un mur, dans un micro ou sur un blog !

À bien y penser, je ne sais pas combien de stylos j’ai «emprunté» pour construire ma carapace d’antan, mais il m’en faudra plus encore pour la démanteler.

Pendant fort longtemps, je me demandais où était passée cette bibliothèque de petits papiers pliés, froissés, empaquetés, collectés. Objectivement j’ai plus de souvenirs d’eux qu’ils n’en ont de moi. Le désordre doit être la clé de tout cela, celui-là même me permettant de tout dire, de tout penser sans de soucier de rien, il reprenait son dû afin que je ne puisse jamais m’arrêter. Pour mon bien paraît-il ? Mais comment opérait-il et surtout quand me délestait-il de mes biens ?

La réponse se trouvait chaque dimanche où la messe et moi avions rendez-vous. Et chaque fois, il était plus ou moins question de donations en amour inconditionnel, puis de leçons à réciter pour les appliquer au quotidien. Je jetais donc cet amour propre avant qu’on ne me le prenne, ainsi que tous les tickets amassés durant la semaine pour, je pense, tout oublier et recommencer les mêmes erreurs. Une fois encore. Si j’avais appris trop tôt de ces bouts de papier dans quel monde j’étais assigné, je doute que vous puissiez me lire à cet instant précis.

Et aujourd’hui encore machinalement lorsque je passe à côté de l’église en bas de chez moi, je vide mes poches pour survivre.

Reload

Ps 1 : Récemment je n’arrivais pas mettre la main sur un article écrit pour le blog et pour cause : à présent, je ne perds plus rien, excepté lors d’un suicide de disque dur. Oui, j’ai tout en mémoire, à portée d’index, suffisamment de fichiers Word/Pages/OmmWriter updatés pour qu’ils ne sachent plus qui ils sont. J’ai tout je vous dis, mais ne me demandez pas quoi précisément, je ne saurai pas vous répondre. J’ai déjà tout oublié, je prends bien note de cela sur un bout de papier que je jetterai…

Ps 2 : Tant que je m’en rappelle, votre blog et mon cahier de brouillon vous proposeront un tête à combiné dans une cabine, de la poésie qui s’anime sans personne et la suite de Bagdad Café ?!

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Cette semaine, au programme de ma boite crânienne :

Samedi 8 : “Rythme(s) & Mécanisme(s)” S03 E03

Dimanche 9  : Explicite, lyrique et sans complexe (1) ?!

Mardi 10 : Le Retour De La Revanche De La Suite (0) Bagdad Café

Prenez le temps, avant qu’il ne vous prenne

Foutraquement…

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«Fais pas ci, fais pas ça, mets pas les doigts dans ton nez, finis ton assiette, brosse toi les dents et éteins moi cette foutue veilleuse, l’électricité n’est pas gratuite…»

Enfant, je ne pouvais raisonnablement pas espérer échapper à ce laïus, une Bible braquée sur ma tempe et la vigoureuse main nourricière à portée de joue. Lorsqu’on a été élevé à l’impératif, psaumes après corrections, on ne peut que retourner la faveur à ses créateurs par la négative. Dorénavant, « Non! » sera la réponse pour tout et n’importe quoi, puisqu’il faut avoir des principes, j’ai retenu la leçon, à ma façon.

Les années passèrent en me regardant grandir à l’ombre de la démocratie, tout se négociait au-dessus de ma tête et Dieu n’y était pour rien dans cet adultère à l’échelle mondiale. Hormis l’urgence quotidienne arbitrant notre confort à crédit allant de la promiscuité de classe aux quotas d’indigence en passant par les injustices héréditaires, je trouvais désormais du sens à l’ordre dans le chaos organisé. Objectivement, le mur de Berlin avait trébuché définitivement sur les Hommes, Bouygues avait racheté TF1 pour ses maçons d’employés et le monde ne s’en portait que mieux ! Il faut bien un peu de naïveté pour entretenir l’espoir, non ?

Dès lors j’entendais le bruit sourd de l’humanité me murmurer ses axiomes exclusivement au conditionnel.

À 13 ans, l’impératif était devenu une banale histoire d’acouphène et le champ du possible un terrain vague sans foi ni loi où je pouvais régner en végétant la visière de ma casquette recouvrant mon visage, mes baskets en éventail et un casque sur les oreilles, le volume au maximum afin de parfaire ma surdité.

Ainsi la procrastination hygiénique et le freestyle permanent régissaient les trous de mémoire de mon emploi du temps fait d’ennui traditionnel et d’argent illégitime. L’école était facultative, la violence un préalable, et l’avenir rédhibitoire…

À cette époque où l’amour maternel faisait les 3/8, l’autorité parentale et moi ne nous croisions que très rarement durant le silence pesant du repas dominical. Soyons sérieux, à la rigueur braver l’ordre établi armé d’un rictus, certes, mais le dimanche, Dieu et son fils restaient à mes yeux la meilleure assurance vie sur le marché. Les gens sont croyants avant d’être citoyens !

La semaine reprenait ses droits entre le sabotage en règle du réveil et le façonnage de ma carrière de noctambule. Mais, à chaque fois que je rentrais chez moi en plein milieu de la nuit, de la peinture sur les mains et les vêtements déchirés, au nom du vandalisme et certainement pas de l’art, je soufflais en maudissant le ciel global, puis le sol local. Même l’obscurité la plus crasse ne pouvait cacher la tête de perdant de ce bâtiment – made in Tony Garnier – faisant la joie des dératiseurs, des prétendants à la mairie et des statistiques du rectorat. Et si d’aventure je me surprenais à rentrer dans le droit chemin en m’intégrant durablement, j’allais finir ma vie ici entre l’usine génétique, le PMU œcuménique et l’Hôtel de police, toujours éthylique.

La discipline me mènerait à ma perte et je choisissais le sabordage à la reddition.

Qu’allais-je bien pouvoir faire ? Le suicide n’étant pas une option, la drogue demeurant trop coûteuse, la télévision devenant rébarbative et l’alcool dormant déjà dans mon sang, il ne me restait plus que l’ennui pour combler le vide !

Ma logeuse tentait périodiquement de fabriquer des preuves à charge avec l’aide du dernier souffle de pédopsychiatrie et la prophétique arrivée de la thérapie systématique et remboursée. Une promesse hebdomadaire d’ordres susurrés au conditionnel. Mais c’était peine perdue, j’étais trop malin pour le charlatan en face de moi, mais pas assez pour accepter que j’avais un problème.

La solution à tout avait un nom que tout le monde chuchotait en parlant de moi à la troisième personne: l’armée. C’est toujours mieux que le séminaire ou la trépanation, me direz-vous, enfin quoi que…

Effectivement, la domestication est bien meilleure conseillère que l’acceptation. L’unique bémol à cette réhabilitation annoncée, était qu’il me restait encore 5 années d’errance avant ma majorité pour continuer à m’embourber tranquillement dans les Comics et le HIP HOP.

Pendant ce temps là, 1993 rendait l’âme en laissant le Wu-Tang Clan passer à tabac les tympans dans la pure tradition de «Rodney King», le système D se commuait en régime parlementaire et le gangstérisme ordinaire se professionnalisait un peu trop à mon goût.

Depuis ma fenêtre – nouvellement double vitrée, mais n’atténuant pas les décibels des violences du voisinage – peu de choses séparait le statu quo cathodique de l’anarchie sponsorisée. Au premier étage du lit superposé, je ne voyais pas le vaste monde caché derrière le balcon, simplement un mur. Même en y mettant de la mauvaise foi, j’aurais fini par lui rentrer dedans tôt ou tard. Certains aiment les voyages, moi il me fallait une destination.

Et plus que du sens, il me fallait dorénavant un but pour ne pas sombrer dans l’oubli ou la rubrique nécrologique…

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Note de service : Je n’ai pas appris la discipline à l’armée, ni avec Françoise Dolto – Part 2/2 http://wp.me/pn1lw-1zd

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Je n’arrive pas à choisir entre le no futur et le trop de passé
(Punk  0 – Hip Hop 1)

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