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Je n’arrive pas à choisir entre la taxation des échanges et la fin des échanges
(L’Onu 0 – L’Oréal 1)

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Ma vie préfabriquée, grise, lente, raillée est intégralement cernée par une émission de télévision qui s’intitulerait les Maçons du cul où nul ne pourrait échapper au devis de l’entrepreneur. Comme cela va de soi, l’argent forcement sale et la violence notamment criminogène en sont ses dépendances. Avec un compte en banque dépressif et une masse musculaire à même les os, voilà mes options. Un programme de haute tenue oscillant entre la philanthropie hypothétique et la proctologie expiatrice, et vous êtes priés de dire merci en sortant. À force de voir en boucle l’industrie monde comme une immense succession de collusions, de collisions, de chair en fusion, désabusée et hypnotisée, je ne vois plus de gens, plus de genres, tout est mixte, puis asexué ! Rideau. Encastré dans mon lit une fois la nuit effondrée, je pourrais prendre mon pied mais je lui préfère ma tête, sans la garantie que cela serve vraiment à quelque chose ou à quelqu’un d’autre…

Dans mes jours sans coma, ni cauchemars, j’arrive à respirer sans m’étouffer à la vue des barbelés encerclant mon jardin d’enfant et lorsque pris d’un espoir panique je ne fonce pas contre les murs, ce sont eux qui me percutent de toutes mes tentatives avortées. Totalement sonné et quelque peu résigné, je retourne sur mes pas – qui m’attendaient sagement – trouver une occupation moins dangereuse que ma propre soif de liberté. Pour passer le temps, les honnêtes gens gesticulent en aboyant au reste de la création le bilan comptable de leur générosité – exonéré d’impôt ou de purgatoire – moi je préfère ma culpabilité où je trouve mes motifs plus justes, ceux-ci passeront les caprices des modes humanitaires. Arf… Certes ce n’est pas grand chose, mais je n’ai pas dans le sang le courage de la vengeance et à force passer mon chemin pour oui pour non, j’en ai perdu le goût de la marche et le sens de l’orientation.

Mais le plus naturellement du monde, le cul vissé à ma chaise, je ne peux guère que tourner sur moi-même pour trouver la bonne direction et prendre la bonne décision. Mon panorama journalier composé au minimum de téléphonie aliénante et de micro-informatique décorative complète à merveille un cortège de pin-up sur fond de tapisserie agonisante, elle-même asphyxiée par ce subtil mélange de renfermé et de nicotine où la lumière du jour s’aventure accidentellement par quelques fissures, uniquement les jours de canicule, pour indiquer au ventilateur qu’il est en panne. Cette oeuvre d’art ressemble à s’y méprendre au design de ma boîte crânienne et au démantèlement urbain en perpétuelle reconstruction. Alors, pour me plaindre et gagner du temps sur mon acte de décès, je pourrais le plus tranquillement du monde parler de prison. Soit, mais j’aime à penser que je vis des vacances pas comme les autres et que la vie est une chienne ou une main droite.

Une fois que j’en ai fini avec la minute obligatoire de plaisir personnel, le corps à l’abandon et l’esprit en suspens, presque lucide, j’arrive durant très peu de temps à me voir comme je suis, sans mon costume d’enfant trop petit pour la douleur d’un homme qui ne veut pas en être un. Que les choses soient claires, je possède plus de flashs de paumes de main s’abattant sur moi que de photographies de goûter d’anniversaire artificiel. Je fais avec, et vous ? En redescendant sur terre, je suis blafard, blême, voilà le visage qui me va le mieux, mon masque attitré sans fanatisme ni faux semblants. Soyons francs, je ne sais pas qui joue le mieux au poker menteur entre ma mémoire et moi.

Je perds souvent d’ailleurs, et dans ces occasions – privilégiées sans canapés – en reconstituant la scène du crime et la partie de puzzle, il m’arrive sur un malentendu d’inventer des univers parallèles qui dissocieraient les méthodes de la morale. Dans un autre montage de mon histoire passée, j’aurais même le pouvoir de pouvoir. Mais cet endroit intime entre mon imagination et ma mémoire ne vend que des échantillons et aucun mode d’emploi. Dans cette pièce secrète quelque part dans ma tête je côtoie des images trop parfaites pour être vraies, des issues finales qui ne m’amènent qu’à d’autres poignées de portes cachant une autre pièce et je subis malgré moi des sentiments étrangers, refoulés, oubliés. Je ne sais pas qui ils sont, peut-être des rêves, mais je réclame une trêve ou un réveil matin. J’ai peur de toutes les fins, alors je ne termine jamais rien.

Peu importe ce que me demandent, me suggèrent ou m’intiment ces voix qui veulent mon aide, prétendent à mon bonheur ou m’ordonnent comment aimer, travailler, uriner. Je n’écoute plus rien, je n’entends plus rien. On a tellement pensé à ma place que je suis pas sûr de vouloir savoir qui je suis. Et l’image que l’on a de moi finit peu à peu par me satisfaire. Elle ne veut rien et cela me va car nul ne survit à son enfance et encore moins à ses démons.

Dans ce cas qu’y puis-je du poids de mon héritage paternel ? Accepter que les autres le voient à travers moi ? Jouer le jeu en l’imitant jusqu’à l’aimer ? Le tuer une fois pour toute afin de lui échapper ? Ce ne sont pas des options, mais des culs-de-sac !

Parfois lorsque je sème provisoirement mes flashbacks, j’ai la confuse impression – incarcérée dans mon train-train quotidien – que je ne suis que de l’ADN en perdition avec un patronyme pour toute explication et consolation. Heureux que je devrais être d’avoir eu une famille, même en décomposition, et un toit miséreux avec une porte qui se refermait à l’usage sur la loi. Ne pas savoir, c’est souvent mieux que penser comprendre.

Ce qu’il y a de pire dans tout cela, c’est de ne jamais avoir connu la défaite car personne à combattre ! Alors, pour occuper mon temps libre et occulter mon tourment, je trouve des missions de sauvetage à ma mesure, des plans parfaits – enfin à peu près – qui ne réussiront jamais – à coup sûr – et ce n’est pas grave au fond, personne n’est au courant. Avec du temps et un peu d’argent, je finirais au moins par sauver la face dans ce no man’s land où chacun fait profil bas, plus bas que terre. J’aurais enfin mon but, à moi, mon signe extérieur de détresse. Secrètement je me persuade que les parois étriquées du monde qui somnolent toujours et encore, termineront leur course à mes pieds, alors enfin j’aurais gagné, par abandon, par arrêt de l’arbitre, par patience…

Et là quand il n’y aura plus de décor pour me maintenir debout, aurais-je de quoi souhaiter ma libération ? Plus de démons, plus de sauvetages, plus d’attaches, juste la vie devant moi, c’est plus effrayant que palpitant, j’en crèverais presque ! Comme tout fantasme, le meilleur moment est encore le laps de temps où on l’espère sans trop y croire et lorsqu’il arrive on est forcément déçu, il était plus beau dans ma tête, plus beau sur internet ! Ce sont les choses qui n’existent pas qui nous font avancer, ce que l’on peut saisir, on l’a déjà oublié. J’en suis précisément à un moment, dépourvu de questions et débarrassé des réponses, où je me sens renaître en laissant derrière moi les statistiques et la fatalité.

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Jadis, je croyais fermement qu’il fallait crier pour aimer et suivre les ordres pour être aimé. Petit, avant que je ne prononce moi-même mon nom pour savoir qui j’étais je n’existais que dans la bouche de mon père, à l’époque où le monde tournait outrageusement autour des silences rhétoriques et de son regard rédhibitoire. Chacune de ses paroles assenées avec affection, mais sans le packaging, retentissait dans ma petite planète – faite de jeux d’adultes et d’innocence dérobée – comme le jugement dernier. Et celui-ci ne s’interromprait pas tant que l’homme château de carte qui donnait un sens à mes peurs ne s’en retournerait pas sur ses talons afin de trouver des mots pour comprendre sa propre violence.

Après avoir goûter, sans vraiment m’y habituer, à ses coups de tonnerre pour la énième fois, j’étais comme fasciné dès qu’il me regardait presque absent, mais totalement présent du haut du monde de ceux qui savent déjà tout mais qui n’apprennent rien. Lui, le père, ne savait pas s’il devait rire d’espérance ou pleurer de résignation en posant les yeux sur sa progéniture, sa créature, sa boîte à souvenir, à avenir. Je ne voulais pas le décevoir, comme si cela était possible, souhaitable, mais je n’ai jamais compris ce qu’il voulait en faisant tomber la nuit sur moi et lui non plus au bout du compte, pensais-je. Alors, nous nous taisions en soufflant en canon et c’était bien ainsi…

Parfois, lorsqu’il perdait pied dans sa réalité, il arrivait à s’extirper subrepticement de sa retraite faite de silence avérés et de sanglots refoulés. Comme tous les Hommes, il cherchait de manière psychotique des vestiges de la mère que je ne connaissais pas – la sienne ou la mienne – pour lui venir en aide, pour lui donner la force nécessaire, pour avoir de quoi croire juste un jour de plus. Demain n’existait pas pour lui. Mais il fallait s’y préparer et y survivre coûte que coûte, uniquement pour recommencer le jour suivant jusqu’à en avoir assez des pourquoi ! Je n’étais pas sûr de comprendre tous les tenants et les aboutissants de cette lutte que je ne voyais pas chez les autres, mais elle était notre héritage et je le porterais bien assez tôt.

Le temps, qu’on le veuille ou non, on le subit et pire on le regarde faire, une main dans le dos sans rien dire parce qu’il n’y a rien à expliquer, à demander, à combattre. Il faut juste vivre avec, voilà à peu près ce que mon père voulait me laisser comme mémoire en s’obstinant sans plaisir à ne jamais me donner le mode d’emploi de l’épreuve qu’il m’imposait. L’an 1. Le jour où il a voulu m’apprendre à nager en me catapultant sans mon autorisation dans un étang qui ne s’était pas lavé. J’aurais pu me noyer, j’aurais dû, j’aurais pu nager, j’aurais dû, finalement j’ai flotté, mais l’eau, elle ne s’en est pas enquise et ma leçon était donc celle-ci ! Alors, c’était à moi de voir si je voulais abandonner ou continuer jusqu’au jour où je perdrai comme tout le monde.

En outre, dès qu’un bref et rare moment d’évasion fantastique s’offrait à moi en levant la tête vers les nuages en perpétuelle mutation, mon père ne pouvait s’empêcher de les étrangler de ses propres mains sous mes yeux, naturellement. Comme pour me faire rudement comprendre à sa manière qu’il n’y a rien à voir là-haut, circulez, parce qu’à y prendre goût trop rapidement, trop souvent, on ne sentait pas la chute et je finirais par ne voir que le sol en le prenant à témoin de mon mode de vie. Mon champ de vision devait se résumer désormais à droit devant, sans espoir de regarder en arrière. À force, j’allais devenir fidèlement ce que je vivais tant bien que mal et certainement pas ce à quoi que je rêvais les yeux grands ouverts durant mes crises de bonheur idéal. Du coup, je ne connaissais pas la déception !

Avancer, avancer, c’était le maître mot avec lui, avancer toujours et encore, sans s’embarrasser d’un quelconque but qui ne parle qu’aux croyants, sans s’encombrer de qui que ce soit qui ne s’adresse qu’aux vivants. Je crois, enfin, je doute que mon père n’ait jamais eu confiance en une autre personne que moi et le drame, c’est que je ne connaissais définitivement pas le sens de ce sentiment, car on le comprend qu’une fois qu’on nous l’a ôté, donc il a dû partir.

La dernière fois que j’ai vu mon père me parler avec le visage déformé à l’extrême, les cordes vocales prêtes à se déchirer, les veines proéminentes, les tempes puis le système lacrymal au bord de l’explosion, il essayait inlassablement de m’enlacer tout en m’écrasant,  me donner quelque chose tout en me l’imposant, étrangement, rien à avoir avec un présent qui offre un sourire en prime, mais plutôt une part de sa prison, interne, enfantine, amoureuse où la liberté – dont il aimait à promouvoir ses vertus en tempêtant – n’a jamais aussi bien résonné. J’aurai tant voulu lui donner une clef, la bonne, une porte de sortie, l’unique ou bien un morceau de mes nuages en échange de son trouble, ce bourdonnement incessant, persistant, assourdissant et dépourvu de trêve qui était le sien depuis son enfance soldée sur l’autel d’un père qui n’en était pas un.

Moi, le mien de père, il en était un, il n’avait pas besoin d’être un quelconque héros puisqu’il était là. D’autant que je m’en souvienne et plus je fouille dans ma mémoire morcelée pour avancer vers mon destin déjà bien ficelé plus il me reste des clichés au détail près de paysages défilant sans discontinu les uns après les autres. Mais il n’y a personne pour les habiter, si ce n’est la voix de mon père qui supervisait la visite guidée – aussi confuse que rassurante – de ma psyché en convalescence depuis l’enfance. Et dans ces moments là, touché par la grâce, le trouble, mon trouble s’efface de ma prison sur mesure, à croire que le bourdonnement incessant, persistant, assourdissant et dépourvu de trêve, c’était les autres après qui l’on court toujours et qui ne nous rattrapent jamais !

J’ai dû perdre la faculté apparemment obligatoire d’aimer, le jour où mon père a préféré me quitter durablement au lieu de fuir encore une fois, droit devant. Je n’ai pas eu le luxe de me retourner sur ses pas pour lui dire au revoir, il a fait en sorte qu’il soit déjà trop tard. Il m’a donné ce jour là l’amour qu’il n’avait pas, enfin, je ne sais pas, je crois, je le demanderais certainement à mon tour à mon fils quand je ne serai plus, peut-être que lui il m’entendra…

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J’ai toujours suivi les règles à la lettre près, quant à elles, elles ne parient que trop rarement sur moi et je les comprends. Etre un bon garçon, cela relève plus de la malédiction divine que de l’hygiène citoyenne. Dès que je commence à ressentir le moindre plaisir terrestre ou gratuit, je culpabilise automatiquement avant de jouir, comme ça. Et finalement ce couperet permanent me permet d’avancer même en roue libre et peu importe vers où !

En chemin vers nulle part, la vie bien comme il faut accompagnée de la cellule familiale parfaitement dysfonctionnelle me signifient, toutes deux, que mon bail pour une monogamie plus ou moins épanouie a expiré sans que mon avis ne compte. En consultant immédiatement ma culpabilité, puis en comptabilisant mes inavouables méfaits, je constate étonné que je n’ai rien à me reprocher. Je n’ai rien fait et c’est cela le problème ! Le jour où l’on m’a demandé de devenir un homme devant les autres, j’aurais dû m’abstenir.

J’ai des principes de paix de sociale comme tout le monde, mais surtout un modèle – sûrement dépassé au vu de l’orgie ambiante – de gestion tranquille des crises humanitaires en communauté. Et c’est cette image de respect intégral construite par ma mémoire et idéalisée par les années de monotonie à laquelle je me réfère fidèlement pour dicter ma conduite jours après jours. Le drame, lorsque l’on voue un culte aux modes d’emploi, c’est que l’on oublie souvent la vie qu’il y a autour, ainsi que ceux qui vous regardent comme si vous étiez la pièce d’un musée. A force d’amnésie maîtrisée, j’ai perdu même en gagnant.

Les banqueroutes les plus banales, les plus ménagères donnent inexorablement naissance aux interrogations que j’avais sciemment chassées de mon vocabulaire modéré. Les réponses sont faites pour ceux qui ont besoin de satisfactions personnelles, moi je veux des raisons logiques pour m’expliquer l’absurde. Au vu de mes bons et loyaux services soi-disant philanthropes, j’exige un échange ou un remboursement. Enfin, quelque chose qui me donne de quoi m’occuper.

Le problème avec les cadeaux que l’on vous offre sincèrement, c’est que leurs commanditaires se refusent à toute d’aide pour vous indiquer pourquoi ils sont cassés, alors que la garantie stipule que bon entretien rime avec longévité et peut-être un peu de prospérité. Pour me porter assistance, je viens bêtement voir et parler de ma petite vie à mon vendeur de croyance le plus proche. Et lui, en retour, s’offre une psychanalyse sur mon malheur en le nourrissant d’anecdotes sans queues ni têtes. J’aurais plutôt dû demander la paix intérieure à mon avocat.

À chaque plainte légitime ou accessoire, il faut un coupable idéal et bien évidement je serai le dernier sur cette short list. En attendant de m’en prendre à moi-même – un peu plus que d’habitude – j’hésite, hum… j’hésite vraiment en pleine crise spirituelle à demander des dommages et intérêts ou un coup de main au voisin du dessus, lui qui ne connaît que trop le son de ma voix et dont le visage si familier m’est totalement inconnu. J’aimerais qu’il sache parler aussi bien qu’il écoute, je me passerais bien de son amour pourvu qu’il me donne un plan, une direction et à l’impératif si possible.

Il me semble que le pire des choix, c’est d’en avoir. Trop à l’aise dans ma camisole de force respectable sous tous rapports, je confonds sécurité prévisible et mort provisoire. Je justifie scrupuleusement chacun de mes actes – de toutes mes respirations maladroites à mes cas de conscience financiers – par rapport à cette morale qui fait que je me se sens bien dans ma peau, que je regarde fièrement les autres en souriant, que j’attends en dodelinant de la tête mon dernier souffle, sereinement.

Mais avant de prendre mon billet en première classe pour le grand voyage, je dois comme on me l’a dit – conseillé, dicté et prescrit – me donner de nouvelles perspectives, sans savoir exactement où cela s’achète. Puisque que je dois obligatoirement aller de l’avant, et quitte à ramper, autant trouver une autre drogue que ma famille en instance de rupture pour prendre une option sur l’asile professionnel ou l’exil artificiel. Alors s’il faut un substitut, je vais commencer par la voisine, les grandes causes et autres petits remèdes peuvent attendre encore un peu.

Une fois la copropriété consommée, je commence à prendre par moi-même des décisions pour en tuer d’autres, évidemment, et je crois obstinément m’éloigner d’elles en pensant que mon mobile et mon nombril sont bien meilleurs que leurs crimes et leurs égoïsmes. Mais, parfois, les sorties de route sont plus sûres que les routes elles-mêmes et, en fin de course, je me trouve au point de départ parce que je l’avais fui. Parce qu’en définitive, il faut bien trouver quelqu’un ou avoir besoin de l’aimer, non ?

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Teaser en série (2) A Serious Man V.1 : http://wp.me/pn1lw-P5

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Rentrer chez soi…

En voilà un concept original, comme si l’Homme était conçu pour être sédentaire, comme si l’homme était programmé pour être monogame. Cependant la société des gens heureux et du bonheur prêt-à-porter est passée par là et la machine humaine ne connaît pas la pitié – si elle n’est pas rentable – particulièrement envers ceux qui tentent de ne pas suivre scrupuleusement le mode d’emploi du sens de la vie. J’aime avoir toujours les mêmes habitudes, mais jamais au même endroit et encore moins avec les mêmes gens.

En général ma manière de vivre les irrite plus que ma façon de penser. La simple évocation de l’idée que je n’engendre pas du temps comme un cadeau divin parce que je ne fais que le traverser de part en part, elle remet en question les gens tout en les confortant. Mais on ne peut décemment pas porter tout le monde dans son sac à dos et encore plus, sa propre mémoire. Si je ne peux me souvenir de moi même, je n’aurai plus rien à regretter !

Pour moi, l’échec est semblable à un contrôle interminable derrière une famille fuyant leur chez eux pour les vacances, à un retard sur un vol qui produira le manque de mon scotch au bar déjà désert, à une réservation d’hôtel mal enregistrée qui annoncera une vengeance prochaine en faisant droit de privilège en doublant légalement dans les files d’attente. Ha ! Oui, je sais, les gens dans tout ça ? Hum, ils meublent avec plus ou moins de succès mon temps de transit entre deux échappatoires.

Justement en parlant des « gens », les seuls, les vrais, les uniques et irremplaçables, pour mon travail salutaire, j’en croise souvent, j’en croise beaucoup, j’en croise trop à vrai dire. Sachant que cette overdose d’humanisme garantit à elle seule mon mode de vie, je consens à mettre tout mon cœur lorsque je fais le tour du pays pour annoncer à ces personnes, avec leur vie sur le visage, qu’elles sont licenciées. Une fois la sentence assenée – nette, sans bavure et avec un sourire compatissant en option – je les vois hébétés, en colère, absents, effondrés, autant de choix qui les empêchent d’avancer suffisamment vite pour ne pas disparaître de l’organigramme du grand dessein.

À toute épreuve à handicap, le seigneur pourvoit une récompense à la mesure du sacrifice, alors dites merci à la culture de votre entreprise pour laquelle vous avez donné, sans poser de questions, les meilleures années de vos existences car elle vous propose un plan de résurrection en plusieurs étapes. Ne nous remerciez pas. Donc pour revenir parmi nous un jour, il faut que vous nous quittiez définitivement.

La manière dont on part est aussi – si ce n’est plus important que tout – ce que l’on a fait auparavant. J’aime à penser que les additions ne font pas le résultat. Pour certains leur emploi est tout, un but, une famille, un foyer et au moment de dire adieu à ce morceau d’eux qu’ils ne récupèreront vraisemblablement plus, je leur demande de fermer les yeux une minute car, à tout regarder comme si chaque chose autour de leur open space était primordiale, ils en oublient vite leurs priorités.

Personnellement, la famille, ma famille, cela n’en n’était pas une, disons que cela fait partie d’un pack à l’origine et du décor au bout du compte. J’ai des liens avec les miens, de ceux qui sanglent pour mieux m’aimer et qui me ramènent à chaque fois à ceux qui meurent du temps qui passe et qui portent mon nom. J’ai beau fuir aussi vite que l’avion le peut, elle me rattrape toujours.

Ne pas mourir seul, cela paraît être la seule obsession raisonnable, mais de la part des vendeurs d’amour à tout prix qui font de leur hygiène affective une morale à toute épreuve, je trouve cela d’un égoïsme dont seul les solitaires devraient se prévaloir. Apparemment, c’est ça l’objectif trouver quelqu’un, une fois qu’on l’a, il faut évidemment produire d’autres quelqu’un sous peine de s’ennuyer avec le premier quelqu’un. Je crois en la loyauté, l’honnêteté ça ne dure que le temps d’une pause café ou d’une partie de jambes en l’air, voire à l’horizontale. On aime couché, on cohabite debout.

Les gens, encore eux, ont un besoin maladif de savoir d’où les autres viennent, comme si l’on était condamné à n’être qu’un échantillon de notre passé. Je vois si souvent le monde d’en haut en classe affaire que j’en oublie le nom des terres en dessous. Mais si vous voulez savoir, moi, je viens d’où je suis maintenant.

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carrière

Je n’arrive pas à choisir entre le passe-temps et le temps qui passe
(la carrière 0 – le lègue 1)

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