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«Veuillez, si vous le permettez, Ô majestueux téléphone, serrer moins fort le fil qui se trouve présentement autour de mon cou désormais pourpre». Pas de réponse. Votre correspondant est absent ?!

Comment dire…

Je suis apparemment suspendu dans un ciel aqueux – sans plafond, ni sol – où un troupeau de ballons sauteurs en peau de peluche se disputent un emploi de magicien-orthodontiste, en chantant en canon «La Bamba». Baila, Baila la bamba…
Disons que là tout de suite, les paramètres scientifiques et les goûts musicaux de la faune environnante sont le cadet de mes soucis, car l’oxygène commence à me faire défaut et je suis irrésistiblement obnubilé par le sigle PTT me masquant la lumière violacée accompagnant l’odeur de réglisse industrielle qui règne ici-haut ! Téléphone partout, justice nulle part.
Visiblement, un banal problème de communication était à la base de ce contentieux juridique, il me fallait donc y couper court. Mais imaginez un instant la stature de mon adversaire, un S63 couleur kaki ou fiente de basse-cour, me dévisageant de toutes ses touches souillées d’empreintes digitales. Il s’applique à remplir mon quota de traumatismes crâniens en martelant son combiné sur la coquille entourant mon cervelet, tout en compressant ma pomme d’Adam comme pour l’expulser de mon corps, par n’importe quel moyen et peu importe l’issue.

Mais quel crime ignominieux ai-je pu commettre ?
En arrivant ici comme si j’y avais toujours été, je chevauchais paisiblement un skateboard volant en jouant à cache-cache avec mon ombre. Oui, mon ombre est joueuse et pour la garder fidèle et vigoureuse, il me faut la stimuler par quelques jeux «maître/esclave». L’amour d’un couple est à ce prix. Passons, revenons à nos moutons ou plutôt à nos ballons sauteurs. J’étais en train de simuler mon engouement lorsqu’un immense cadran téléphonique domestique apparut subitement, traversant de bout en bout mon champ de vision, jusqu’à imposer son cercle en plastique craquelé comme unique avenir !

Pas besoin de vous préciser que mon ombre avait pris la fuite. Et par l’une de ces curiosités mal placées, j’avançais plus que de raison vers l’obstacle et plissant les yeux, je découvris abasourdi puis excité, des têtes de Présidents occidentaux et assimilés à la place des chiffres arabes.

Interloqué, mon hébétement fut de courte durée. Une voix ressemblant à s’y méprendre à un doublage de télé-achat m’indiqua, enfin m’ordonna, de composer un numéro à 8 chiffres, hum, 8 têtes plutôt, sous peine de «sinon…».
Mon skateboard commençait à paniquer. Je m’exécutais donc, afin d’éviter de n’avoir que le vide sous la partie la plus charnue de mon anatomie. Hésitant d’abord, réfléchissant ensuite, me résignant enfin, ma combinaison fut : «Mitterrand, Franco, Ceauşescu, Thatcher, Giscard d’Estaing, Kohl et Prodi». Recroquevillé sur moi-même entre sueurs froides et bouffées de chaleur, le verdict se faisait attendre et le silence que je chérissais tant d’habitude se commua en une attente insoutenable. Et, dans un roulement de tambour aussi burlesque que militaire, la voix du télé-achat me dit :

– «Perdu, tu as perdu ! Tu es perdu ! Chien d’infidèle, comment oses-tu composer un numéro sans y inclure les démocrates Kadhafi et Ben Ali ! Pour la peine, tu seras puni par le téléphone arabe !!!!»

– «… : concrètement que cela signifie-t-il ? Je veux bien avoir peur, mais il faut une raison valable. Par téléphone «arabe» insinuez-vous la calomnie des tabloïds ou quelque chose de plus raciste ?»

– «Tu te moques chien d’infidèle. Tu périras donc par le téléphone arabe dans d’atroces souffrances faites de mauvais plastique, de combiné inaudible et d’un fil entortillé à l’extrême à ton cou. Ensuite tu écouteras d’interminables digressions adolescentes sur la légitimité de la fellation entre un chewing-gum et le cours suivant, avant que le téléphone arabe ne te raccroche définitivement à la face !».

Un bruit lourd, lent, assourdissant et déchirant l’air et venu de nulle part, en la personne d’un S63 géant, couleur kaki ou fiente de basse-cour se plaça face à moi en lévitant au milieu de la mélasse de nuages. Mon skateboard prit la tangente sans demander son reste en allant rejoindre mon ombre. Mon cou maintenant marié à ce fil, j’attends que se termine mon ultime appel…

La gorge s’asséchant petit à petit, le pouls intermittent et absent, les yeux exorbités et grenadine, l’air sortant plus qu’entrant, un voile opaque puis obscur gagnait ce qu’il restait de ma vie. J’allais mourir par le téléphone, mais sans cancer. Brusquement, au moment de faire pénitence dans une prière en récitant «Ni Dieu, ni maître», le fil du téléphone arabe fut tranché par une fine feuille blanche, austère et administrative. C’était la réforme des PTT – estampillée de son «since 1990» – qui venait réguler le pouvoir des flux en empêchant mon assaillant de me poster vers l’au-delà ou à St-Étienne. La réforme revint tel un boomerang dans les mains ministérielles de Paul Quilès venu à dos de Michel Rocard me délivrer du monopole. Et, au moment fraternel de le remercier chaleureusement, je fus malheureusement comme dans la grande tradition des histoires sans queue ni tête, réveillé par la sonnerie sud-américaine de mon portable ! Putain de merde.

Pourquoi ?! Pourquoi ?! Je vous le demande ?!
Je voulais chasser sans vergogne les ballons sauteurs à peau de peluche en voix d’extinction avec Paul Quilès en surfant sur Michel Rocard, so 80‘s.

Mais 2010 et son anticipation ne laissent aucune chance au rêve.

Alors, la bouche pâteuse, les yeux merdeux et l’apesanteur à ras du sommier, j’étais de retour parmi les gens pressés. Satané temps solaire, satané gadget technologique ! En plus j’ai l’angle d’un bouquin gravé sur le visage pour homologuer cet instant, sans oublier le marécage de salive séchée aux commissures des lèvres.

Rien de pire que des murs pour vous rappeler l’importance de l’espace et je ne prends pas la peine d’évoquer les heures face à l’infini. Du bruit, du bruit, du bruit, toujours du bruit, j’ai comme une envie de débrancher l’espèce humaine une bonne fois pour toute. Une douche, un trône et un thé plus tard, me rendant compte de la logistique que cette entreprise demanderait et compte tenu de l’inertie du nombre, je m’attellerai donc à une plus modeste oeuvre en refaisant le portrait des passants, logé à la terrasse d’un café.

Encastré entre deux tables d’étudiants savants, coincé entre deux débats sur le retour de la morale et les sextoys, j’en viens à fixer avec conviction le marc de ma tasse en espérant qu’il me parle, plutôt que d’en entendre plus, mais je suis sans cesse perturbé par le concerto chaotique et téléphonique des sonneries musicales de l’armée portable, celle-ci me ferait presque regretter la cacophonie des klaxons à l’heure pointe ! Pour être tout à fait honnête, d’aussi loin que je m’en souvienne, le téléphone et moi, n’avons jamais été vraiment amis.

Enfant, pour moi le téléphone signifiait une chose : famille, cabine, carte, appel longue distance et 30 min de créole, en dépit des recommandations de la météo ou de la queue du dimanche soir, qui plus est. Par la suite, ce délateur de communiquant avait la fâcheuse habitude de transmettre à la virgule près la liste exhaustive de mes exploits scolaires du trimestre, voire des suspicions face à mes maladies imaginaires et mes activités de faussaire.
La communication, je l’ai apprise de balcon en balcon ou en suivant à la trace les crachats de mes congénères. Alors cher Alexandre Graham Bell, hormis le téléphone rose, à quoi sert le pot de yaourt de poche si ce n’est à trouver de nouvelles manières de nous jalouser ? Entre l’invention et la révolution il y a la loi du marché. Réalité économique oblige, j’avais un septennat de retard sur les modes des publicités.

Aujourd’hui mon téléphone sonne et je ne sais pas si je dois répondre ou me percer les tympans. Finalement, je le regarderai jusqu’à ce qu’il s’arrête, c’est ce que je fais le plus souvent d’ailleurs. Qui dit répondre à un appel, induit inévitablement une conversation, enfin le mot est bien fort, épanchement mutuel, excuse bancale, dépêche médicale, culpabilité généalogique ou amour maladif, dans la plupart des cas. J’avoue préférer voir les gens, si possible afin de partager un peu de notre temps restant. Ha oui, il paraît qu’on sauve des vies avec la téléphonie, mais dans l’absolu, on en tue aussi.
Je ne cherche pas à vendre quoi que ce soit, moi, en revanche, je sais ce dont je n’ai pas besoin. Malheureusement «le vivre ensemble» débarque avec ses grands sabots pour lier outils et objets.
Seul les imbéciles et les pauvres – qui sont souvent les mêmes personnes à en croire les statistiques – n’ont pas de téléphone de nos jours. Pour avoir avoir un travail et par extension pouvoir manger et se loger, puis avoir une vie sociale, normale ou tout court, il faut avoir le machin d’émission/transmission. J’ai donc acheté un truc mais le travail n’est pas venu, sûrement à cause de la gamme à laquelle appartient celui-ci ! Soit, je l’ai gardé comme on vit avec une maladie, on s’habitue à tout, c’est cela notre magie. Maintenant, le bidule en question fait tout. A savoir quand et qui appeler et comment tout faire avec un doigt, il n’y a plus rien à apprendre, il suffit de réagir au signal !
Franchement, d’un muet à des sourds, parler si naturellement à une chose en lui conférant un peu de sa vie, indique légitimement que la folie est devenue ordinaire. Alors si parler sans voir les gens est une religion, qu’y a-t-il d’absurde à ce que je passe mon temps à chercher le silence dans le bruit ?

Une dernière chose, lorsque je parle seul à voix haute dans la rue, fatigué de ma tête, pourquoi me jugez-vous ? Et pour les autres, si je ne réponds pas, ne m’en voulez pas, ne m’en voulez plus…
Et puis, je ne sais pas pourquoi mais j’ai envie de chanter La Bamba ! Baila, Baila la bamba…

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J’aurais dû rester à végéter en culpabilisant au fond de mon lit, ce samedi matin, en hommage à d’autres aubes où je déballais tant bien que mal des armées de cartons et de cagettes sur ce marché encore solitaire. La vie sur un marché avant que les clients n’imposent la leur, c’est assez surréaliste. Parfois tout le monde communique, communie dans le silence et souvent la cacophonie l’emporte. Les histoires énoncées toutes plus foutraques les unes que les autres, ne sont qu’une autre normalité de plus dans une dimension parallèle, au début on juge et à la fin on sait pourquoi l’on rit. Excepté ce goût malsain pour le fluo, les années 90 avaient eu du bon, pour moi de ce côté-là. Et me revoilà de retour en 2010 et hors de mon lit, à la recherche de caféine. Je suis déjà nostalgique du futur lorsque mon téléphone plus intelligent que moi, m’indique la direction du troquet le plus proche alors que la pluie s’abat sadiquement par alternance sur ce Paris encore trop proche de l’after pour se réveiller.

Quand les choses basculent sous vos yeux sans que vous ne pussiez rien y faire, tout ce qui compte – à partir du moment où vous avez déterminé votre rôle, figurant ou tête d’affiche – c’est de savoir (et accepter) si ces dites choses seront un handicap ou un avantage. Mon voisin assailli par une calvitie à cette banale terrasse de café devait y penser plus que fortement tandis qu’il intimait l’ordre à son fils, qui venait d’enrichir son vocabulaire sur les pratiques anales, de quitter les lieux manu militari sans finir son chocolat chaud et encore moins son croissant. J’étais pour ma part quelque peu interloqué par les deux fous qui animaient avec un certain talent ce triste débit de boisson au ton cirrhose, mais encore plus par la réaction des gens qui pensaient si fort, si fort que le mot camisole de force se diffusait tel un bruit sourd.

Avant d’enfermer dans une normalité capitonnée qui que ce soit en jetant la clef, revenons sur le fil des faits. Nous, les animaux marchant sur leurs pattes arrières, trop occupés à boire méthodiquement notre consommation tout en lisant le plus sérieusement possible les nouvelles du monde en n’attendant rien si ce n’est la fin de celles-ci, nous étions sortis de notre parfaite léthargie par des rires trop bruyants, de ceux qui n’ont pas leur place chez les gens bien. Mais soudain, nos tympans explosent sous les décibels d’un « T’vois ces lames fines tranchantes pour égorger à l’africaine, et ben je lui ai arraché des mains, hop, comme ça et j’lui ai défoncé le cul à coup de pompe »…

Cours d’anatomie accéléré et sadomasochisme préventif sur un fond de Louise Attaque qui peinait à s’extraire des piaillements de la serveuse, ce samedi fleurait bon le passé. Certes, j’avoue être peu familier des modes d’exécution à l’arme blanche en vigueur en Afrique, mais concernant les mille et une façons de détruire un arrière-train sans ne jamais l’avoir fait, c’était une autre histoire. Lorsque j’étais adolescent le monde se divisait en deux catégories : ceux qui commettaient les pires exactions – criminelles et républicaines – et ceux qui profitaient du silence des premiers en créant de toutes pièces une mythologie qui se terminait irrémédiablement par une histoire de cul et la façon de lui faire entendre raison.

Et nos deux trouble-fêtes qui vociféraient pour la rue d’en face, eux étaient des membres honoraires de la seconde catégorie. La conversation commençait à s’agiter violemment lorsque nos deux compères se mirent à déblatérer de leurs souvenirs communs d’anciens légionnaires ainsi que de leur maîtrise en philosophie asiatique, sans omettre leur tour du monde effectué à la fin des années 60, alors que le binôme devait avoir au bas mot 30 à 35 ans chacun. À les écouter, ils avaient les meurtres et le verbe faciles et, modestement, ils savaient et avaient tout vu. Les antidépresseurs ont la parole semi automatique, mais personne ne veut le savoir dans la société du tous coupable. S’en était trop pour la noble assemblée des prototypes intramuros pensant que la vérité sort de leurs diplômes et de Wikipedia, au prix des frais de scolarité et de la technologie qui les faisaient briller en société en effleurant du doigt Google Map, pour démontrer à tout le monde qu’Erasmus est la meilleure agence de voyage ! Il fallait agir avec le courage qui convient en pareille situation, c’est-à-dire de promettre en rouspétant, bien droit dans ses bottines, de s’expatrier de ce café sans jamais s’exécuter. J’étais rassuré de voir se fendiller la vitrine de la tolérance de salon et puis j’étais de plus en plus captivé par les histoires de fous qui épousaient mieux nos certitudes que les jérémiades des rebelles qui comptent sauver le monde de lui même du haut des épaules dont ils ont héritées et depuis leurs T-shirt MSF taille XS.

Vous savez, les sauveurs en tout genre en auto-démonstration, locataires de toutes les nobles idées, le sourire humanitaire, donneurs de leçons professionnels, défenseurs de toutes les causes, même les plus contradictoires et sachant qu’un drame en remplace un autre avant qu’ils aient pu abandonner leurs bons offices, nul ne leur en tiendra rigueur ! L’émotion est un moteur et ils ont le monopole du cœur équitable. S’ils ne le faisaient pas personne ne le ferait, certes. Soit. Mais la misère, l’autre, la folie, la différence, ils la préfèrent à la télévision. Courrier International empilé dans leurs toilettes, une nouvelle catastrophe à choisir, la carte bleue déjà en main et l’esprit déjà ailleurs. Manque de chance quand la souffrance ordinaire s’invite à leur table, ils voudraient la chasser pour continuer à profiter du samedi matin et de leurs cafés crème si durement attendus !

Le plus âgé, le plus marqué, le plus vivant des empêcheurs de s’ennuyer en rond avait l’œil bovin des amoureux de jambes effilées, le nez fracturé à plusieurs intervalles par des terrasses moins passives sûrement, la moustache taillée, brossée et disponible pour accueillir n’importe quelle miette sucrée ou salée, les lèvres gercées, usées, seules, plus pourpres que roses, les dents couleur Gitane, disposées à se chevaucher avant de chuter pour toujours, le visage sans retour possible, grave et craquelé, la peau lasse, prête à dégringoler sur sa pomme d’Adam au moindre signe de monogamie sédentaire et le teint malade et malheureux d’un blanc passé. Je ne pouvais m’empêcher de suivre du regard en bougeant la tête – quitte à commencer à passer pour un fou – les grands mouvement incessants et circulaires de ses bras qui semblaient vouloir attraper désespérément l’espace qui lui faisait défaut, une fois calmé, résigné à retrouver l’équilibre sur sa chaise bancale, un verre de blanc à la main.

Mais la trêve fut de courte durée et l’agacement respiratoire des bons citoyens reprit de plus belle. Puis il fut interrompu par l’autre fou qui demanda si quelqu’un dans l’assistance avait du feu. Et là s’en était trop ! Que ceux qui doivent être aidés discutent grossièrement entre eux, passe encore, mais qu’ils s’adressent à la race des sauveurs, c’est tout à fait inacceptable ! Il ne restait qu’à l’un des sauveurs de répondre par la négative avec ce mépris pincé qui va si bien aux punching-ball. Je lui précise pour ma part que je ne fume pas, en retour il me demande l’heure, celle de New York évidemment, je la lui donne et il finit par me complimenter sur mon afro qui lui rappelle celle de Julius Erving – culture quand tu nous tiens – nous nous saluons respectueusement de la tête, les balafrés se reconnaissent entre eux. Et en revenant à sa position initiale, le plus jeune, le plus fragile, les plus lointain des deux comparses aperçoit un paquet de cigarettes négligemment laissé à l’abandon par l’un des sauveurs. Celui-là n’est pas passé loin de la claque qu’il méritait, mais il a eu droit à une explication anale sur la qualité de sa personne. Evidemment personne ne bouge, tout le monde attendra les élections !

Le fou débutant commença à partir dans une tribune libre sur les problèmes d’incontinence de notre société, Descartes, Jean-Claude Van Damme, Booba, Olivier Besancenot, la mode écologiste et j’en oublie, tout le monde en a pris pour son grade. À bien le scruter, il avait les os et les vêtements sur la peau, une barbe qui aura toujours 3 jours, de l’angoisse médicamentée dans les cernes. Ses yeux immobiles étaient ouverts par habitude, son nez ne pouvait cesser de couler et sa manche était déjà pleine. La mâchoire serrée jusqu’au sang avant de la déployer jusqu’à la rupture, son corps tremblait plus qu’il ne bougeait. Les cheveux en bataille par endroit et en déroute par d’autres, les ongles rongés, il rétractait frénétiquement ses mains comme à la recherche de son doudou, recroquevillé sur lui-même. C’était à ce demander ce qu’il voulait capturer en renâclant autant. Son front lui tombait lourdement dessus, son visage n’était fait que de lignes droites, aucune courbe pour lui apporter un quelconque réconfort. Au moment de fermer la bouche pour avaler machinalement le poison à 3,50 euros, il dégageait une telle tristesse, si pure, si inconsolable, si sourde que même les sauveurs n’essayèrent pas de surenchérir aussi poliment que discrètement sur sa vision du monde qui s’écrasait sur ces épaules devant nous…

Je suis parfaitement incapable de dire qui est fou ou non, et je ne préfère pas savoir. Je prends ou pas les gens comme ils sont. Le crime des deux fous ce matin-là, à cette terrasse de café décriant la démocratie dans laquelle elle jouissait jusqu’à l’en vider de son sens, c’était que personne ne les avait invités aux castings des privilégiés de la liberté d’expression et qu’il serait mieux pour eux et pour tout le monde que l’on parle à leur place. Heureusement ou malheureusement, ils pensaient tout haut, ils pensaient trop fort et surtout pas comme il faut.

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