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Posts Tagged ‘deus ex machina’

Enfant, je confesse avoir eu une tendresse particulière pour mardi gras, sûrement parce que cela me permettait de m’affranchir des classes, des genres et que celui qui avait la plus grande imagination pouvait rivaliser avec celui qui recevait le plus d’argent de poche, durant une journée, pas plus. Mais la récréation est terminée depuis mon premier baiser et, dès lors, l’adulescence est devenue une marque de fabrique suffisamment rentable pour l’ériger à l’état de religion, incarnée par des gadgets de surcroît.

Et fort logiquement, ce qui devait arriver arrivera, cette course-poursuite contre le futur engendre des résurgences plus où moins fondées allant de la phobie prophétique aux régressions straight edge. Nous sommes sous le joug de la loi des clubs où les exemples intègrent plus que les exceptions. Mort au communautarisme, vive le communautarisme ! Apparemment le gène de l’autodestruction demeure un facteur récessif en chacun de nous, peu importe le côté de la chaîne de production.

Dès lors que les cotillons et cette farce ne cessent de recommencer encore et encore, j’en reviens à me dire que je copie pour ne plus penser, je colle pour ne plus écrire, je joue à Dieu par écrans interposés, je joue à l’Homme une fois déconnecté.

[Avant la fracture numérique, la plupart du temps, nous devions vivre avec le masque adéquat pour nous assurer du soutien moral et logistique de notre prochain. Maintenant, à l’ère du gigantisme microscopique, il faut tout réinventer surtout qui l’on est, sous peine d’être dépassé par je ne sais quoi. Le «après», quant à lui, bien heureux sont ceux qui le connaissent déjà car à notre stade même la meilleure des sciences équivaut à du charlatanisme.]


Comme le disait si brillamment la Compagnie Créole :

«Aujourd’hui,

Je fais ce qui me plaît, me plaît

Devinez, devinez, devinez qui je suis

Derrièr’ mon loup,

Je fais ce qui me plaît, me plaît

Aujourd’hui, (aujourd’hui) tout est permis (tout est permis)

Aujourd’hui, (aujourd’hui) tout est permis (tout est permis)»


Quelle est la différence entre l’anonymat classique et les avatars modernes ?

Le premier prend pour acquis que la postérité n’est qu’une vulgaire histoire d’argent, tandis que le second veut désespérément que l’on se souvienne de lui pour ce qu’il n’est pas. De ce fait, j’en suis presque à accepter – armé d’un rictus – la fin de ma carrière précoce à votre jubilé infini et gratuit. Puisque l’époque est à l’heure cannibale où l’on se délecte de son prochain en lui accaparant son espace, autant faire preuve d’une de ces lâchetés masquées, logotypées, marquetées et communautaires qui font de nous le seul animal capable d’anéantir son prochain en quelques clics, uniquement pour le plaisir. Résultat des courses, même pas mort et même pas mal, puisque tout est une histoire de gardiennage de temps à perdre.

Quoi de mieux que de se mettre dans la peau d’une icône? Il n’y a rien de mal me direz-vous, ainsi une poignée d’Hommes invisibles finiront par croire en eux et c’est déjà ça, mais le problème de toutes les images – outre leur tendance à la dictature divertissante – réside dans leur nature où la première des absurdités venues se retrouve canonisée à l’état de vérité. Alors et qu’est-ce qu’elle a ma gueule ? Vraisemblablement pas le cachet du régime du «tous différents de la même manière !».

À présent nous pouvons à loisir modifier nos profils pour ne plus nous regarder en face. Evidement je ne parle pas de métamorphose, mais uniquement de lifting. Tout ceci n’est qu’un jeu.

Que certains préfèrent la technologie à la foi, je peux l’admettre – après quelques verres – par contre concernant l’hégémonie numérique pour notre bien et la réflexion assistée par ordonnateur, je passe mon tour car en dépit des certitudes des dealers d’anticipation, on ne me fera pas passer une transition pour un avenir durable qui emporterait tout sur son passage y comprit ce qui l’a crée. Et comme le chantage à la propriété va de pair avec les modes nouvelles, la machine à extrémismes est en marche, et elle sera mère de troubles musculo-squelettiques ou de nouvelles parts de marché. Plus que l’égo, plus que la reconnaissance, plus que le pouvoir, tout ceci est une affaire de violence réprimée depuis la première berceuse et travestie en industrie culturelle.

Alors l’idée reçue selon laquelle nous serions en pleine révolution est aussi grotesque que de proclamer que la Terre ne serait qu’un immense disque dur, nous avons simplement l’insigne honneur d’être membre d’un supermarché sur mesure, vendant aussi bien du prêt à penser que de la schizophrénie en kit.

Jusqu’à preuve du contraire, je suis le fils de mon père, lui l’était du sien et ainsi de suite, ce qui contribue à la réalisation du puzzle de l’identité héréditaire. Cela ne suffit plus, nous voici donc au stade de l’individu ex nihilo en route pour une carrière de deus ex machina ! Le monde qui avance toujours par habitude demande de suivre sans broncher – se justifiant à l’aide de la fin du monde – en nous disant qu’il nous sera impossible de faire marche arrière. La science fiction n’a plus sa place face à nos banalités.

Le progrès est un détail amusant, mais il n’a d’intérêt pratique qu’au travers de nos passifs. Alors, disons que la chirurgie reconstructrice et les personnalités interchangeables dès que l’on se logue, c’est une idée plus séduisante que d’avoir à portée de bras tout le bagage génétique qui ne nous consulte jamais. Mais j’ai du mal à croire que l’on puisse en sortir indemne à terme en s’extirpant à volonté de sa narration originelle, car le mensonge permanent conduit à l’amnésie définitive. Et puis, je suis intiment persuadé que la mémoire et l’âme ne sont qu’une seule et même personne. Déjà qu’il n’y a pas grand chose à gagner ici-bas, mais de là à tout vouloir perdre, pourquoi ?

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