Merci de me foutre la paix, je suis en plein rêve occidental, en stand by, je profite d’une mort lente bien méritée, avec mes semblables…
…Je ne sais pas ce qui différencie le fait de voir des cons voler avec la prétention d’Icare et l’avenir de Christopher Reeves, du fait de ne rien dire au moment de voir convoler des gens trop jeunes pour mûrir, c’est peut-être la nature de notre silence.
Le résultat est le même en pilotage automatique, les sièges de plus en plus vides, toujours le même film, à destination d’une routine pour acquis, une bonne assurance vie et le temps pour ultime ennemi.
En parlant du temps, il se fait long, lent, lourd et indénombrable comme le troupeau d’animaux marchant debout, s’extasiant plus devant le lifting d’une quelconque illustre que devant 560 tonnes de ferrailles (boite noire incluse) en équilibre dans le vide.
Avant que le gros du bétail ait saisi que le numéro sur le billet d’embarquement correspond à un ordre précis de passage devant le sourire professionnel de la dominatrice de service, nous avons droit à un embouteillage dans un entonnoir.
À toutes fins utiles, la phrase « à vous d’embarquer » n’est qu’une formalité et surtout pas une invitation à expliquer – en collectivité, à qui peut l’entendre – ses motivations profonde à prendre part à ce voyage.
Merci de garder vos regards de connivence pour les futures projections photographiques depuis l’écran de votre téléphone portable, ainsi que vos machinations de dernières minutes pour avoir un billet moins cher et mieux que tout le monde. Cela va de soi.
Aujourd’hui à vendre en exclusivité dans la cour des miracles, des spécimens uniques et standard à la fois. Nos produits sont à saisir ici et maintenant, car ils sont en voie d’expansion.
Commençons par « Les bébés Sumos », citoyens quart-mondistes, c’est dire, touristes lowcost ou riches des pays pauvres.
Ils sont fournis avec la surcharge pondérale comme signe extérieur de richesse, l’American Express pour satisfaire le banquier des commerçants et séduire les plus réticents des délinquants, sans oublier leurs amples et flashy bouts de tissus communément appelés vêtements provoquant des crises d’épilepsie et la chute des actions des tentes Décathlon.
La panoplie parfaite du pigeon voyageur.
Poursuivons par les sudistes livrés avec une bijouterie à même le cou, les poignets et le torse de sortie qu’importe la saison.
Ils sont accompagnés par leur alter ego, les Bobos clamant que c’est toujours les autres qui le sont, eux sont équipés d’un voile intégral de chez Agnès B et des vaccins pour boire un café à St Germain.
Les premiers ont le passé des seconds, la liberté de penser a un prix, une date de péremption, voire la lucidité sur cette mascarade d’époque, avoir un avis.
Les seconds ont le futur des premiers, mais ils traînent les pieds en confondant crédibilité et erreur de jeunesse.
Alors cessez le feu, ces regards inquisiteurs du coin de l’œil relèvent plus de la convoitise mutuelle que de l’invective feutrée.
L’emménagement touche enfin à sa fin, tous rangés, ceinturés, bordés, le corbillard volant peut prendre la file des airs.
Lorsque l’on voyage, le problème, s’il doit en avoir un, c’est le voisin. Dans mon cas, il a été le colis sur le siège de tous les autres passagers.
Dès le départ, il a annoncé la couleur tout bedonnant qu’il était, M. le Bibendum est polyglotte apparemment lorsqu’il beugle péniblement de toute son importance en anglais primaire, en italien approximatif et en français de fin banquet.
Ce monsieur suinte plus qu’il ne respire, la respiration encastrée par l’un de ces cigarillos lui garantisse une haleine à la frontière de la fosse septique et de l’odeur de notre futur plateau repas.
Il tapote suffisamment bruyamment pour que tout le monde l’observe et lui de nous dévisager en se moquant ardemment de nos doléances, en poursuivant la préparation impérieuse d’un rendez-vous sur son Blackberry dans sa petite vie si importante, si impotente.
Au moment de la délivrance collective, quand il rengaine son portable, le second sonne grassement aux notes du petit bonhomme en mousse – moralité, la technologie n’est qu’un moyen supplémentaire de prouver notre petitesse – et là, il nous gratifie d’un cour magistral de management à poumons ouverts.
Pendant que les gouttes s’accumulent sur sa chemise jusqu’à l’imbiber totalement, il a le temps de noter le derrière de chaque hôtesse de l’air, visiblement pas à la hauteur de ces fantasmes consentis durant les séminaires de son entreprise.
Après avoir gober sa collation, il suce tous ses doigts avec délectation les uns après les autres en s’essuyant discrètement sur son pantalon en tergal, puis il se remet à regarder les images plutôt qu’à lire les journaux.
Brève évasion, la seule de la journée, par le hublot je fixe notre dérision collée au sol, apparemment la terre devient si rare qu’on en oublie le ciel et l’on poursuit le reste de sa vie en regardant ses pieds.
Fin de la mi-temps, le monticule de cholestérol habillant une calvitie prochaine et des pellicules certaines, rallume ses portables comme pour indiquer au pilote qu’il est l’heure d’atterrir, sous peine de lui faire perdre du temps sur son ulcère.
L’oiseau de fer trouve le tarmac à son goût, la panique, intime, habituelle qui traverse tout un chacun un quart de seconde une fois disparue, la course revient dans les esprits de chacun, la course d’une vie, la course d’un voyage, la course pour aller chercher ses bagages.
Finalement, j’irai à ce mariage comme les autres en un seul morceau – excepté la quiétude que j’ai laissée dans les nuages – sous un soleil fabriqué pour les UV et les cancers de la peau.
Comme un con, j’attends le bus et je n’attends rien d’autre, si ce n’est le vol de retour ou un siège éjectable.
L’âge adulte s’est pointé sans crier gare armé d’un faire-part de mariage aux relents d’épitaphes…