Aujourd’hui je fais la grève de la carrière en restant retranché au fond de mon lit, celui ou celle pensant m’y déloger n’est pas encore né ou déjà mort. Dans ces moments d’accalmie apparente pris entre deux feux – du réveil matin rébarbatif aux excès de zèle du facteur dopé par l’interphone – j’hésite entre le marchand de sable et le farniente sous ma couette, en me retournant maintes et maintes fois sur moi-même pour trouver l’équilibre tout en m’enlisant paisiblement.
Je repense toujours enivré à ma nuit de perdition à deux et que celle-ci n’a que peu duré, sachant que tu es partie trop tôt pour le monde hostile au-delà du lit, de la salle de bain et de ses impératifs militaires. Heureusement que tu as laissé ton odeur en partant. Mais le matelas réclame un armistice au vu de ses états de service et de son sens du sacrifice, mais il ne viendra pas aujourd’hui, j’ai décidé de tuer le temps en l’étouffant de tout mon cul, comme le veut la coutume.
Pas les moyens de souffler un instant, c’est au tour des murs blancs couleur location de se rapprocher dangereusement de mon espace vital ou peut-être que je me dilate en divaguant sur les prérogatives de mes uniformes étiquetés conformes dans la penderie assemblable avec un tournevis et un marteau d’après le mode d’emploi. Le plafond toujours aussi bas me regarde avec insistance comme pour me rappeler que mon entraînement pour le dernier voyage ne dure que huit heures et que la maison ne fait pas crédit, même si je semble le croire. L’étendage me fait la gueule pour cause de surpopulation perpétuelle et d’abandon quasi définitif, la dépression est proche et la machine à laver est trop loin pour que je lui alloue un quelconque espoir. Puis l’industrie humaine reprend le dessus sur la bande fm, les portes de mes voisins claquent successivement et nerveusement jusqu’à ce que le silence s’en suive. Plus amorphe que résigné, mon chat se lance dans une imitation assez réussie du croquemitaine, je ne lui ferai aucune remontrance mais j’oublierai de le nourrir. Oui, en effet seul le ventre déterminera le dénouement de ce statu quo.
Des choses sonnent, d’autres bipent, le balai technologique prêt à paterner n’offre que peu de répit à ses maîtres trop dépendants pour avoir des rêves. Il n’y a que le lit pour nous sauver de nous-mêmes quitte à voir le soleil passer à l’ouest sans rien y faire. Merde, j’ai oublié le chargeur de la modernité dans le bureau, alors j’accepte que le progrès s’en aille car ma fainéantise est plus tenace que mon addiction. Et c’est mieux comme cela, puissent les choses si importantes passer au dessus de ma tête, ainsi je voudrais simplement que ma boîte à image s’arrête de tourner pour que j’en descende le temps d’un coma mérité. Mais je préfère me distraire que me retrouver. Et, finalement, sur le côté du lit mon avenir du jour devrait se décider entre regarder en boucle le trailer de Scott Pilgrim vs the world et enfiler les gants de boxe d’Arthur Cravan pour passer à tabac la poésie en quelques pages, pragmatique je décide de ne pas choisir sur fond de MGMT et Sexion D’assaut.
Clairement, je ne peux ni dormir comme un juste ni rattraper le temps recherché, j’ai tout perdu parce que ne rien faire demande trop de travail…