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Merde, la vie n’est qu’une longue liste d’attente pour combler le vide évident qui nous sépare du néant…

…De mon lieu de désertion plausible (l’aéroport) à mon moment de résignation totale (le mariage), seule une grève injustifiée ou du terrorisme publicitaire auraient pu m’empêcher d’être complice de cette association de malfaiteur commanditée par le tout-puissant.

Les banderoles pour aboyer et les suppositoires de dynamite en soldes ne venant pas, je m’en suis remis secrètement à un de ces forcenés armés, télévisés, quinquagénaires en devenir, boursouflés d’amertume ouvrière, imbibés de rêve américain bon marché, endeuillés par une progéniture bâclée, le souffle vinassé et la main aussi lourde que pédagogue, mais là encore personne, merci pour la solidarité.

Je m’en rappellerai, je resterai chez moi avec mon chat, au soir d’une de ces futures guerres intra-communautaires fomentées par les vendeurs d’autocollants identitaires pour voitures d’occasion.

J’abdiquais donc, et j’avançais nonchalamment en traînant une jambe vers le gros du troupeau bruyamment organisé, tout excité qu’il était de partir d’ici pour aller là-bas, avec la conviction profonde que leurs soucis n’y seront pas.

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Entre l’hôtesse usagée, recyclée, usagée servant de point d’embarquement et mon visage demeurant en berne, naturellement dépité, perclus par une centaine d’échantillon d’humanité en pleine représentation vaguement authentique.

Ce déballage sans discontinu où les spectateurs sont le spectacle, ne me donnait aucune envie d’acheter la marchandise et encore moins de fraterniser.

Au royaume de la taxidermie qui s’ignore, les spécimens en présence concouraient tous pour le prix du ridicule qui aurait pu tuer. Ayant gagné plusieurs années de suite, j’ai décidé de ne plus participer.

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Premiers candidats à la nécropsie, la race de ceux parlant le plus souvent, le plus fort sans attendre la moindre réponse, en regardant compulsivement autour d’eux : les technophiles professionnels et générationnels.

Peut-être sont-ils des commerciaux grisonnants recherchant un second souffle dans les gadgets, équipés de la même cravate de la fête des pères ornant la même chemise invisible, le tout résistant tant bien que mal à la charge abdominale sponsorisée par des bières trop blondes pour être honnêtes.

Une armée sans logo ni drapeaux, la meilleure des armées.

Les voilà s’agitant en canon comme sur la banquise, la face grave et éteinte, les yeux fatigués puis perçants, la bouche pâteuse espérant le prochain arrivage officiel de nicotine ou de chlorophylle de substitution, la nuque en sueur dépassant péniblement de ce col savamment repassé afin de fabriquer des arrêts maladie, le corps en équilibre provisoire, le pas décidé puis fuyant.

Décidément, toutes ces gesticulations apparemment maîtrisées relevaient du petit miracle.

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Les autres, des chargés de projet de n’importe quoi, l’insolente, mais courtoise jeunesse 2.0 pratiquement déclinante, stands hi-tech sur pattes, mi hommes, mi machines, tapotaient nerveusement sur leurs écrans tactiles.

Cette génération qui est née en sachant tout, dupe de rien.

Elle méprise les porteurs d’alliances et de calvitie, cités ci-dessus, du haut de leur acnée persistante, en pensant fièrement que le système les a eu, eux, les vieux, et jusqu’à la complémentaire santé, alors qu’eux, les jeunes déclinants, le système, ils le tiennent dans la main. Mais bien sûr!

Une belle promesse d’un avenir différemment identique, entre référence et concurrence.

Ils sont toujours à la page d’après leurs réseaux sociaux, en passant du statut de métro sexuel à celui d’hétéro flexible, d’un peu d’imagination et d’une main droite à la webcam et la prétention de devoir être ambidextre.

Si l’avenir de l’homme c’est la femme, leurs silhouettes en sont la preuve flagrante, filiforme à la limite de l’insignifiance. Leur thorax maintes fois promis à l’adolescence n’est jamais arrivé, pas plus que le minimum vital de fessier pour que la troisième intercostale et l’épine dorsale ne soient pas les seules attractions de cette partie géante d’osselets.

Parfaitement mal rasés pour laisser prédominer ces cernes décoratives sur l’excès de crème hydratante, cintrés comme il se doit entre le garde à vous et la décontraction de vernissage, rebelles juste ce qu’il faut de la lecture de Charlie Hebdo au trou chirurgical sur le jean, la french manucure maison, discrète et la chevelure militairement en bataille.

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Et puisque maintenant filmer le ¼ d’heure de gloire d’un tiers équivaut presque au même vedettariat, je scrutais plus les voyeurs que les exhibitionnistes.

Et là, le black out! C’est l’accident bête et banal, rattrapé en plein vol par ma morale des soirs de victoire de coupe du monde.

Stoppé par une urne, je perds le contact visuel, le mendiant de plastique m’indique respectueusement qu’il faut donner aux pauvres qui ont systématiquement le mauvais goût de mourir de faim quelque part où il n’y a pas d’aéroport.

Merci de me foutre la paix, je suis en plein rêve occidental, en stand by, je profite d’une mort lente bien méritée avec mes semblables, avant de m’envoyer en l’air, une dernière fois…

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En observant à vive allure mes semblables et le décor sur le tapis roulant, je me dis que nous avons une appointance maladive pour les boîtes, l’enfermement, peut-être afin d’exacerber notre besoin d’évasion, d’ailleurs, enfin donner un peu sens à tout ça…

…Prendre l’avion, c’est comme se marier, on fixe avec ferveur le 7ème ciel en omettant que l’atterrissage en douceur n’est pas une garantie.

Ce qu’il y a de plus imparable que l’effet papillon, c’est l’effet pavillon.

Pour arriver à cette mort lente et socialement valorisante, le processus est long et onéreux, il faut un minimum vital d’amour, un patriotisme certain pour soigner les statistiques de la natalité, une cérémonie officielle pour corroborer les faits, des témoins et dans le pire des cas des complices, et c’est à ce titre de votre serviteur est convié à faire office d’épouvantail compatissant devant des Hommes pétris de certitudes et accessoirement un Dieu overbooké.

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Ce que j’aime part dessus tout avec les aéroports, c’est qu’ils offrent une raison valable de gaspiller du temps.

Il est vrai que je prends rarement l’avion, non par une de ces phobies qui supposerait que l’apesanteur reprenne son dû, mais plutôt par hantise du troupeau sophistiqué et de sa promiscuité polie voire docile comme l’ascenseur du lundi, cette tombe à la verticale qui a achevé le peu d’intérêt que je portais aux banalités, ainsi qu’aux une des journaux, si différence il y a entre les deux.

Plus il y a de consignes contradictoires, de slogans péremptoires et d’ordres rédhibitoires, moins je fais attention au protocole à respecter sous peine d’être immatriculé comme le dernier des analphabètes préférant les preuves circonstancielles à un ordre bienveillant.

Alors, disons que la vision de ce bétail émancipé, volontaire, bénévole, discipliné, voire conscient de sa condition, suggère que le libre arbitre est une prison à la mesure de notre peur de l’inconnu.

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De couloirs embouteillés par le trop d’espace en escalators escortant des enfants trop bruyants pour être curieux, accompagnés qu’ils sont par des parents plus absents que passifs, je trouve finalement mon point de chute, devant une borne interactive peu coopérative en lieu et place d’une hôtesse autiste.

Personne n’échappera au progrès, j’avoue avoir pris cette prémonition passéiste comme une publicité institutionnelle et non telle une condamnation au changement sans espoir d’alternative qui n’en serait pas une et d’un dédommagement en coupon de réduction.

Me voilà donc devant le check-in, après quelques essais infructueux pour cause d’écran tactile défectueux, je décide de demander assistance aux prédécesseurs en talons de la dite borne interactive.

Je me suis senti bien seul, trop occupé qu’elles étaient ces anciennes divorcées et futures botoxées à disserter sur l’arrière-train d’un spécimen de quota fraîchement sorti de sa jungle urbaine.

Elles daignèrent répondre après la minute de mépris syndical enfin passée, d’un ton sec et sentencieux, afin de me rappeler la bêtise crasse qui était la mienne. Il y a des licenciements économiques qui se perdent, je vous le jure.

Ma valise une fois expédiée, je me dirige sans trop de conviction vers le contrôle d’identité habituel occupé par la fine fleur des agents de sécurité issus de votre supermarché le plus proche.

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Depuis le 11 septembre, étrangement, lorsque j’oublie de me raser pour ce genre de réjouissance administrative, ma barbe joue le rôle de signe extérieur distinct de terrorisme potentiel.

Allez savoir qui de la paranoïa impartiale ou de la prévention partisane l’emportera ?

Mes sourcils se froncent d’entrée, mes narines enflent progressivement, ma mâchoire se serre jusqu’à ne plus le pouvoir et mes tempes sont sur le qui-vive à la simple pensée de l’association d’idées « uniforme + contrôle », c’est sûrement une conséquence directe d’avoir habité à proximité de l’hôtel de police, tout en bénéficiant du savoir-vivre de ses hôtes.

Un sourire d’entretien d’embauche, une ceinture enlevée avec maestria comme une promesse de coït, je m’échappe tel un prince de ce banal usage avec le sentiment du devoir accompli comme si j’avais quelque chose à me reprocher, l’esprit est une étrange machinerie.

La fouille anale, ça sera pour la prochaine fois.

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J’enclenche l’avance rapide durant mon passage dans la zone duty free, afin de ne pas céder à mes penchants consuméristes, mais peut-être aussi en imaginant le fond d’un paquet de pâtes anonyme et le peu de sel qu’il resterait dans une de mes casseroles orphelines à la fin du mois.

Il faut avoir des preuves de notre passage en achetant des trucs, des machins, des choses, dont on n’aura pas le loisir de se lasser une fois le compte à rebours de la course à je-ne-sais-pas-quoi relancé.

Merde, la vie n’est qu’une longue liste d’attente pour combler le vide évident qui nous sépare du néant…

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