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Archive for 26 août 2010


Je n’arrive pas à choisir entre la sélection par le vide et la bourse ou la prison
(Laurent Blanc 0 – Jacques Chirac 1)

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Mon anniversaire avait une fois de plus avalé son bulletin de naissance. Culs de bouteilles fracassés sur le bitume, concours d’immolation de bougies et bile pour tous. De la célébration à l’autodestruction il n’y a qu’un pas !

La rentrée était déjà bien déflorée et les charlatans en tout genre offraient leur croupion, au nom de l’art, à qui voulait bien l’acheter chez le disquaire ou chez le libraire. Rien de nouveau en somme, si ce n’est les feuilles guettant l’arrivée légitime de l’automne pour un suicide collectif.

Pour tout vous dire, je n’avais pas le caractère d’un boy-scout, ni l’ambition d’un mouton et encore moins la mentalité d’un oncle Tom. Alors lorsque mes congénères se promenaient fièrement et libres, un diplôme autour du cou en direction d’une voie universitaire et d’une intégration par l’argent à la clé, je soufflais et haussais les épaules. Je ne pouvais me résoudre à prendre ainsi ma place dans l’abattoir républicain ! Et après une fraction de seconde de réflexion, j’avais décidé de mettre un terme à ma carrière scolaire avec un C.A.P. pour tout héritage et un mépris certain pour les vendeurs d’égalité et de chance. Les dés sont de toute façon pipés. Excepté que moi je ne joue pas, j’épargne… Enfin j’épargne les tricheurs. Entre la laisse institutionnelle et les liasses criminelles, j’avais décidé de ne pas choisir tant que mon ventre m’en donnait encore l’opportunité.

Ce jour là, j’étais au magasin, il y avait un show-room ?! Oui j’étais devenu vendeur sur un malentendu, avec mon sourire de croque-mort et ma chaleur reptilienne, j’avoue avoir eu tous les éléments pour ne pas survivre à ma période d’essai. Mais le patron des lieux m’a gardé, enfin, m’a gardé une place sur son étagère entre sa bourgeoise de l’ouest lyonnais, son criminel d’oncle mi-boxeur mi-ballerine et quelques signes extérieurs de détresse pour nouveaux riches. Il accomplissait ainsi le rêve de sa vie : avoir un pote noir… À chacun ses frustrations.

Je n’en demandais pas tant, que mon employeur soit ma pute. Il lui fallait un point de vue nègre sur quelque chose. Cette fois la nouvelle moquette qui supportait son canapé blanc dans la réserve du magasin était en question, la même que dans Scarface ! C’est vous dire les ambitions culturelles de l’intéressé. Bref, loin de moi l’idée de lui indiquer que Mondial Moquette n’avait aucunement contribué à la mystique du film de Brian DePalma. Mais bon, ne rien foutre de l’après-midi était un projet de société comme un autre.

En déambulant l’oeil hagard et la digestion omnipesante dans les allées et les aléas d’un monde moquetteux, j’avais perdu la notion du temps et l’espoir de revoir la lumière du jour avant son terme. J’avais l’impression de tourner en rond, un genre de piège à con entre le marathon et le labyrinthe.

Mon patron s’adonnait à son jeu de prédilection, l’auto-satisfaction ou comment avec le carnet d’adresses de papa et l’argent de maman construire de ses propres mains un empire dont lui seul connaissait l’existence. Dans ce petit monde, tous les «ils» et les «eux» voulaient devenir lui, le «Je» !

Avec l’expérience je finissais par glisser avec une certaine maestria les «hein, hein», les «c’est clair» et les inéluctables «t’as raison», histoire d’achever les digressions de sa masturbation à poumons déployés. Lorsque soudain la séance de sucess story s’interrompit par l’arbitrage de mon portable.

À l’autre bout du fil mon acolyte, Doudou pour les intimes. Alors que nous avions rendez-vous au playground derrière la Part-Dieu pour une partie de street-ball sans foi ni loi, l’intéressé me rétorqua qu’il ne pouvait pas y être, d’une voix angoissée, agacée, effrayée et franchement nerveuse.

Une fois le silence passé et devant mon ironie coutumière, Doudou prononça lentement la sentence :

« – Des terroristes ont fait exploser le World Trade Center avec un avion…

– Arrête tes conneries, tu t’es pris pour Joel Silver ou quoi !? Dis moi plutôt que tu as prévu une partie de bagatelle sur fond de R-Kelly à l’arrière d’une voiture, hein ?

– Non, Sylvain —rares sont les fois où mes proches perdus dans mon enfance m’appellent par mon prénom— il y a eu un attentat à New York, les tours jumelles ont explosé, comme ça, comme je te le dis, c’est tout. Nous sommes en alerte orange à la caserne, nous devons nous préparer au pire. Je vais faire tout mon possible pour rassurer les gens, on reçoit des appels de panique depuis une heure. Je ne sais pas comment va finir cette histoire encore, mon frère. En fait, je ne veux pas le savoir. »

Je crois que c’est l’une des dernières fois où je lui ai parlé, la faute au temps. La faute à la dictature du choc des civilisations.

La haine populaire nous a écartelé jusqu’à nous séparer. Pfff, je crois que ce jour-là ma barbe et moi sommes devenus musulmans dans le regard des gens, cela sonnait comme une promotion dans leurs pupilles à vrai dire. Le bamboula les faisait rire, le barbu silencieux, non !

Quant à Doudou, il n’eut plus le luxe de sourire. Difficile d’être pompier et de s’appeler Rachid juste après le 11 septembre…

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