Je n’arrive pas à choisir entre la religion et la théorie
(Conservatisme 0 – Progressisme 1)
Archive for 5 août 2010
La certitude du doute…
Posted in La certitude du doute..., tagged Conservatisme, Progressisme on août 5, 2010| Leave a Comment »
36 15 Me Myself & I : 30° à l’ombre en attendant le 11 septembre : 2ème quart temps – L’amour du jeu (3/6)
Posted in 36 15 Me Myself & I, tagged brokeart.com, MACGYVER by Albert Exergian on août 5, 2010| Leave a Comment »
« Jeudi, 19 Juillet 2001, 21 heures et des poussières, terrain de basket-ball derrière la Part-Dieu, fin d’une partie virile mais correcte, pause H2O et moments de vérité »
Les mains sur les hanches, le visage plus que constipé et les respirations sous assistance, je laissais à mon seul corps la responsabilité de ses actes. Je suis pilote, pas mécanicien. Putain j’avais le poumon gauche calciné, le droit avait perdu sa rustine durant la bataille et je n’avais plus de force pour les cracher, les mains et les genoux encastrés dans le granit. Hum, j’aurais pu comme tout le monde avoir des problèmes de santé, mais je possédais plutôt une forte addiction à la junk food. Moralité le kebab est plus mortel que la cigarette.
Le ciel Rhône Poulenc de la cuvette lyonnaise finissait par se draper progressivement d’un bleu cartouche. Et durant ce point de bascule entre la dispersion des effectifs retrouvant leurs rombières et les réverbères touchés simultanément par l’illumination, il ne restait guère que le mauvais génie et mon sac à dos pour écouter d’une oreille distante mes interminables digressions. Et oui, il n’y a qu’un ami pour faire semblant, les autres vous ignorent tout bonnement !
Nous devisions le sourire en coin sur le grabuge qu’avait provoqué Loft Story chez les sociologues en goguette, tout y en voyant un signe de la fin du monde en prime time dans ce tas d’immondices logé dans la bouche de tous les Français. La gourmandise est un vilain défaut et un sacré défi.
Nous allions atteindre le paroxysme de notre débat en évoquant la partie de l’émission portant sur les néologismes lorsque nous fûmes interrompus par une saillie familière. Le genre de voix qui vous prend deux à trois heures de votre vie que vous ne retrouverez jamais, le pire c’est que durant cette séance, nous n’avions que peu droit au chapitre. Et oui nous n’avions que 21 ans, c’était déjà pas mal vu notre pédigrée mais pas suffisamment pour lui.
Et tout droit sorti de la pénombre – en provenance directe dont ne sait où – nous vîmes apparaître le svelte et retord renard des faubourgs. Le genre de spécimen préférant les questions rhétoriques aux réponses toutes faites. Le type d’énergumène opinant du sous-chef avec un large sourire comme pour indiquer à tous les contrevenants que leur part du dialogue n’est qu’un ultime moment de répit dans son monologue à deux places. Attachez vos ceintures. Le pas aérien, le corps miraculeusement en équilibre, ses longs doigts frémissaient de préliminaires et de programmation neurolinguistique. Il s’approcha alors à portée de débat, puis sans même nous serrer la main, il entama les hostilités :
« – Alors les jeunes, on fait dans la moralité républicaine au lieu de parler de contrôle social ?
– Heu non, nous parlons de Loft Story !
– Ha bah non, mon duo décadent préféré, réfléchissez ce n’est pas une question de télévision ou de programme, l’enjeu c’est le gardiennage démocratique !
– Ouais ouais, je vais vous laisser discuter le négro et toi. Les histoires avec des mots à 7 syllabes, très peu pour moi et puis il fait soif ! Allez, à la revoyure, le mauvais génie prit la tangente aussi vite qu’après l’un de ses adultères par omission.
– Puisqu’il ne reste que nous deux mon cher Sylvain, revoyons ensemble ta grille de lecture. Pourquoi diable d’échines-tu contre Loft Story ? Tu as du temps à perdre ?
– Heu et bien, disons que c’est une fidèle photographie de l’époque et du pays. Et, en outre, ce n’est pas un problème de cliché, mais de sujet, je trouve cela très dérangeant de vivre en pleine cour des miracles ! Ce n’est pas la société du spectacle, mais celle de la débâcle !
– On est encore naïf à ce que j’entends, tu croyais habiter le pays du siècle des Lumières, des Droits de l’Homme et de la culture soluble dans la masse ? Comme, c’est mignon…
– Non bien sûr, je sais bien que c’est une publicité mensongère à l’usage de l’Office du Tourisme, mais tout de même, un peu de tenue. Je veux bien être ouvert d’esprit, mais pas dilaté…
– Tu sais quoi, finalement Loft Story, jeune homme, c’est la concrétisation par le bas de tout ce que tu veux. Ce pays t’emmerde prodigieusement, sa culture séculaire ne veut pas de toi, et toute ta vie est déterminée par le droit du sang et le poids du fric qui en découle. Le Loft, c’est l’Amérique, sub-culture du pauvre, mœurs transgressives, religion des self made men et communauté des idées à la carte. Tu croyais que la destruction des frontières par l’argent apporterait l’émancipation ? À moyen vulgaire, public vulgaire, et peu importe le système, une industrie reste une industrie…
– Mouais, mouais, mouais, pour moi le problème n’est pas économique mais social…
– Tu vois, tu y viens de toi-même, le contrôle social ! Tu devrais arrêter Sun Tzu, tu n’es pas en guerre que je sache, nous sommes dans le pays de la contestation molle. Tiens essaye ce truc là, ça sera un meilleur pied de biche pour toi.
– Hum, Le Pouvoir sur Scène de Georges Balandier, hum… Concrètement, il faut que je fasse quoi avec ? Que j’assomme mon prochain avec ce pavé ou que je le lise ?
– À toi de voir mon frère, à toi de me le dire… »
La discussion continua de plus belle en partant de la dualité de Darwich à la cartographie génétique de notre espèce en passant par les détails du concert de Gravdiggaz qu’il avait organisé au Transbordeur en 1997. C’est à ce moment que j’ai arrêté d’écouter bêtement pour entendre patiemment !
Je crois que c’est ce que j’affectionnais le plus dans nos conversations à bout portant, le fait d’aller n’importe où en partant de nulle part. Sans slogan ni bannière et encore moins de camp. Mais l’idée était là précisément, il n’avait rien à vendre et je n’avais rien pour l’acheter.
Malgré son petit ton professoral et sa petite dizaine d’années de plus, je me languissais des tournures parfois institutionnelles de sa versification. Parce que lui au moins avait le vécu nécessaire pour porter le savoir de salle de classe sur ses épaules. Il ne faisait pas la leçon au-dessus des autres, il ne dealait pas des échantillons de pensées sans en avoir en stock, il mettait juste sa connaissance en jeu à chaque fois qu’il ouvrait la bouche. Depuis, j’ai toujours cultivé à juste titre une certaine défiance légitime vis-à-vis des gens trop polis – un ulcère au lieu de l’âme – se promenant avec leurs diplômes autour du cou et possédant une bibliothèque à la place de la tête !